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Reconnu mort pour la France après « 74 ans de silence »

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Son nom vient d’être dévoilé sur le monument aux morts de La Chapelleau-Moine. Joseph Chesnel, décédé en 1942, a enfin été reconnu mort pour la France.

Sur le monument aux morts de La Chapelle-au-Moine, au pied de l’église, le nom de Joseph Chesnel figure enfin aux côtés de ceux des habitants de la commune morts pour la France. Il aura fallu 74 ans, « 74 ans de silence », souligne Jean-Claude Chesnel, son petit-fils, pour qu’enfin ce combattant de la Grande Guerre obtienne cette reconnaiss­ance.

Mobilisé en 1917

Son nom a été dévoilé dimanche 13 novembre lors des commémorat­ions de l’Armistice de 1918 dans la commune. L’occasion, pour Jean-Claude Chesnel, qui se bat depuis 2008 pour réparer cet oubli, d’honorer la mémoire de son grand-père en évoquant son histoire.

Joseph Chesnel est né en 1898 à la Géroudière, à Flers. Mobilisé en 1917, il participe notamment à la 4e Bataille de Champagne, en juillet 1918, puis à celle de Sommepy. L’ancien combattant se marie en 1921. « De cette union, naîtra au Mans - où la famille s’est installée - un fils, mon père, Jean », raconte son petit-fils.

Le père de famille, devenu forgeron dans une usine, est victime d’un accident. « Il a eu la main droite et le poignet écrasés par un marteau-pilon. Il sera amputé au niveau de l’avantbras », poursuit Jean-Claude Chesnel. La famille revient dans la région en 1930 et s’installe à La Chapelle-au-Moine, au lieu-dit La Haute-Embûche puis à l’Embûche, où Jean-Claude Chesnel a lui-même grandi.

Selon ses recherches, son grand-père était sympathisa­nt communiste, au moment de l’occupation allemande. Une informatio­n qui lui a été transmise par un voisin de la famille, Claude Salles, qu’il rencontre en 2014. Ce Capellois se souvient de Renée Chesnel, sa femme, qui était venue à la ferme, un jour de 1942, apporter des graines de sarrasin à moudre pour faire des galettes à Joseph Caen ». « parti à

« Démonstrat­ions germanopho­nes »

L’ancien combattant a en effet été interpellé le 5 février 1942 puis interné à la maison d’arrêt de Caen pour « des démonstrat­ions germanopho­nes ». Le pauvre homme ne reverra jamais sa maison. Il mourra à l’hôpital Saint-Louis le 2 juin 1942. Il allait avoir 44 ans. Les autorités ne le reconnaîtr­ont pas comme étant mort pour la France malgré les démarches de son fils, entre 1949 et 1951.

Jean-Claude Chesnel a repris ce combat suite à des recherches sur sa famille entreprise­s dès 2007. Il a trouvé auprès de Claude Salles, un soutien dans sa démarche. Le petit-fils a d’abord remarqué un certain nombre d’approximat­ions, voire d’erreurs, dans les documents de l’époque, notamment sur les dates d’internemen­t. « La quasi-totalité des affirmatio­ns et données sur lesquelles s’appuyait cette décision étaient fausses ».

Des conditions de détention difficiles

Il s’est attaché à démontrer que son grand-père était en bonne santé avant sa détention. C’est alors que Jean-Claude Chesnel rencontre, par hasard, en 2014, Raymond Ciroux, résistant ornais, qui a été interné à Caen en même temps que Joseph Chesnel.

Détenus dans le même quartier, les deux hommes se sont sans doute croisés. Raymond Ciroux lui décrit les conditions de vie à la maison d’arrêt, « la soupe très claire au rutabaga, le manque total d’hygiène, la crainte d’être fusillé comme otage… », rapporte Jean-Claude Chesnel. Un régime, qui selon lui, a affaibli son grand-père. « Après 3 mois, il a contracté un abcès pulmonaire qui n’a pas été soigné à temps ».

Un premier dossier est envoyé à l’Onac, l’Office national des anciens combattant­s et victimes de guerre, en avril 2015. Il a été refusé sous prétexte qu’il n’y avait pas d’éléments nouveaux. Une nouvelle demande « plus étayée », dans laquelle JeanClaude Chesnel pointe les incohérenc­es du dossier est transmise en février 2016.

Joseph Chesnel obtient finalement la mention « mort pour la France », en mars 2016, et « la qualité d’interné politique », le 16 juin 2016. Le combat et la ténacité de son petit-fils ont payé.

Le nom de Joseph Chesnel a pu enfin rejoindre la place qui aurait dû toujours être la sienne sur le monument aux morts de sa commune.

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Raymond Ciroux, un résistant qui a été interné en même temps que Joseph Chesnel (sur la seconde photo en 1919) à la maison d’arrêt de Caen, en 1942, aux côtés de Jean-Claude Chesnel.

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