Un lycée privé liquidé : son gestionnaire, bénévole, condamné à payer
Le gestionnaire bénévole du lycée privé de Tinchebray a été condamné à payer 30 000 € après la fermeture de l’établissement. Précisions.
Émoi au sein de l’enseignement privé catholique. Après la fermeture du lycée privé l’Espérance, à Tinchebray, le président de l’Organisme de gestion (Ogec) de l’établissement, qui gérait bénévolement les finances, a été condamné par la cour d’appel de Caen à verser 30 000€ à l’administrateur judiciaire chargé de la liquidation du lycée.
Motif : par ses décisions, ce responsable aujourd’hui âgé de 74 ans a contribué aux dettes du lycée et doit en rembourser une (petite) partie.
De moins en moins d’élèves
Avec un hectare de bâtiments et huit hectares de terrain, le lycée privé professionnel l’Espérance en imposait dans le bourg de Tinchebray. Mais cet établissement catholique formant des bac pro en « auto », « moto », « maintenance industrielle » et « froid – climatisation », a vu ses effectifs fondre : 360 élèves en 1992, 120 en 2010.
Début 2011, le rectorat annonce la fermeture des filières « froid-climatisation » et « maintenance industrielle » : celle-ci ne compte que huit élèves. La direction de l’enseignement catholique décide de fermer le lycée pour la rentrée 2011.
Les 120 élèves sont transférés au lycée privé Jean Bosco, à Giel (Orne) où sont également mutés les 26 enseignants. Le 15 septembre 2011, le tribunal d’Argentan prononce la liquidation judiciaire de l’Organisme de gestion (Ogec) du lycée l’Espérance : les neuf personnels administratifs et surveillants sont licenciés.
955 000€ de passif
L’administrateur judiciaire chargé de la liquidation fait les comptes : le passif s’élève à 955 000€ dont 688 000€ d’emprunt auprès du Crédit mutuel. Les contribuables viennent à la rescousse : la région (Basse-Normandie à l’époque) s’était portée caution de cet emprunt. Elle a payé (*).
Restent 267 000€ de passif. Les comptes bancaires et les créances à recouvrer permettent de réduire la dette à 115 000 €. L’administrateur judiciaire se penche alors sur les conditions dans lesquelles les équipements pédagogiques ont été transférés du lycée de Tinchebray à celui de Giel. Selon l’administrateur, ces équipements auraient pu être mis en vente.
Un transfert pour l’euro symbolique
Avec l’accord du rectorat et du Conseil régional de Basse-Normandie, le transfert a été réalisé pour l’euro symbolique alors que les équipements acquis en 2011 valaient 111 350 euros. Devant le tribunal, l’administrateur judiciaire, pour qui ces équipements auraient pu être vendus, demande au président de l’Organisme de gestion (Ogec) de combler « ce trou » de 111 350 €.
Cette réduction (sur le matériel) correspond à l’effort fait par le lycée de Giel pour accueillir des élèves qui se retrouvaient sans formation. Le don du matériel pédagogique était la condition sine qua non de la poursuite de la formation, se défend le président de l’Ogec, aujourd’hui âgé de 74 ans.
« Décision exceptionnelle »
Cet argument a convaincu le tribunal d’Argentan qui a rendu son jugement le 14 janvier 2016 mais pas la cour d’appel de Caen qui a retenu « une faute de gestion. » Dans sa décision du 12 janvier 2017, la chambre civile et commerciale a condamné le président de l’Ogec, bien qu’« il ne maîtrisait pas tous les éléments », à payer 30 000 € à l’administrateur judiciaire.
Adjoint au secrétaire général de l’enseignement catholique, Yann Diraison juge cette décision « exceptionnelle ».
Elle est exceptionnelle et plus commerciale que pédagogique. Pourtant, tout a été fait pour maintenir l’enseignement.
Soulignant qu’en France, 4 000 personnes assurent bénévolement les fonctions de président d’Ogec, Yann Diraison indique qu’il n’y aura pas de pourvoi en cassation dans le dossier du lycée de Tinchebray. L’assurance devrait couvrir les 30 000€ à payer.
(*) En 2012, la subvention d’équipement du Conseil régional de l’ex-Basse-Normandie à l’enseignement catholique a été amputée des 688 000 euros versés au titre de la caution au lycée l’Espérance.