Alain Lambert a démissionné du poste de président
Alain Lambert a démissionné vendredi 17 février de son poste de président du conseil départemental de l’Orne. Nos confrères et amis de L’Orne Hebdo lui ont posé 61 questions en forme de bilan. Morceaux choisis.
Votre état d’esprit ? « Un état d’esprit de tranquillité, de consensus, de paix et de réconciliation avec tous ceux que j’ai eu l’occasion de rencontrer ». La vie politique est rude ? « Elle donne lieu à des rapports de force permanents, à des luttes, des conquêtes, des controverses, des compétitions, une sorte de tintamarre incessant et brutal.
Je souhaite me soustraire définitivement à cette vie qui ne correspond pas à ma nature ».
La maladie née l’été dernier a joué un rôle dans votre décision ?
« Elle m’a offert le temps de réfléchir au sens de la vie. Sens que l’on perd dans le tourbillon d’une vie d’élu, sans s’en rendre compte. Il y a un après ».
Vous éprouvez le besoin de vous réconcilier avec qui ?
« Une trop grande partie du temps de cerveau disponible des élus est consommée dans des querelles intestines, des heurts d’ego froissés, des non-dits, une forme d’hypocrisie distinguée qui empoisonnent la vie publique. J’entends exclusivement jouer un rôle de vieux sage pour favoriser l’entente et le consensus entre tous les acteurs ornais ». Vos priorités, désormais ? « La révolution numérique va transformer nos vies et l’organisation de nos territoires, d’où la construction du pole numérique.
La seconde priorité est la démographie médicale. Sans action, non seulement forte, mais en plus imaginative, nous sommes menacés, dans moins de 10 ans, de ne plus avoir de médecins. D’où notre idée d’ouvrir (en septembre 2018, dans les locaux de Startech), une école universitaire de médecine générale numérique, directement connectée avec la faculté de Médecine et en partenariat avec l’agence Régionale de Santé ».
Pourquoi vous accrocher à l’échelon départemental ?
« Je recommande vivement de garder et prendre notre destin en mains, plutôt que le confier à d’autres. L’Orne, c’est moins d’habitants que la seule agglomération de Rouen. Si on y va en ordre dispersé, c’est foutu».
Hervé Morin (UDI comme vous), président de la Région Normandie…
« Il a la mémoire courte. Je lui souhaite de la retrouver avant les prochaines élections. Sans les 4 000 voix offertes par les Ornais au second tour, il ne serait pas élu. Nous avons tout fait pour apaiser les esprits pendant sa campagne, après des propos pour le moins déplacés concernant l’Orne ». C’est fini, la lune de miel ? « Le soir même de son élection, il a invité les présidents de département. Mais les mauvaises manières ont recommencé. Ses prises de parole à l’endroit des départements sont régulièrement désobligeantes.
J’aime la courtoisie, l’élégance, la prévisibilité et le respect mutuel entre collectivités. Pour l’instant, il lui reste beaucoup de marge de progrès ».
« Hervé Morin a la mémoire courte »
Terrenoire, Doubin, Lambert… Seulement trois ministres ornais en soixante ans…
« Nous devons toujours renforcer notre influence à l’extérieur et notamment à Paris. Fabriquer un ministre dans l’Orne doit être un projet. A nous de « former » un ou deux profils de ministres en permanence, de droite comme de gauche. Nos voisins le font ».
L’Orne ne joue pas à la bretonne…
« Les Bretons, dès qu’ils jouent à l’extérieur, savent immédiatement faire cause commune pour gagner et atteindre des objectifs qu’ils ne pourraient jamais réussir divisés. En cultivant leur identité, ils nourrissent une solidarité sans faille. Nous pouvons les imiter ».
Etat-Département : il y a du gaspillage ?
« Dans les départements de notre taille, nous devrions fusionner les services de la Préfecture et ceux du Conseil départemental.
Le préfet serait en uniforme et le président du CD en civil, pour bien marquer la différence de fonction. Ils conserveraient leurs prérogatives de droit.
Nous ferions de grandes économies et on s’épargnerait des prises de tête quotidiennes.
L’idée, c’est que les services ne soient pas rivaux, comme c’est souvent le cas ».
N’est-il pas temps de supprimer les départements ?
« Moins que jamais ! Sauf à nous faire dépouiller de nos médecins, de nos hôpitaux, de nos sièges sociaux, de nos emplois et de nos pouvoirs de décision ».
Au moins l’Orne, département fait de bric et de broc ?
« L’Orne correspond au périmètre du diocèse de Sées dessiné il y a 1 500 ans, un bric et broc qui a tenu à l’épreuve du temps, peut-être grâce à la variété de son territoire ».
Pourquoi avoir choisi Christophe de Balorre pour vous succéder ?
« C’est l’assemblée départementale qui choisit son président ».
Est-il aisé de désigner un successeur ?
« On ne désigne pas un successeur, on recherche un consensus sur une personne ». Pourquoi lui ? « Nous avons examiné la question, au niveau de l’équipe exécutive. Jérôme Nury a un destin tracé et souhaité de député. Nous devons prendre en compte la loi sur le cumul des mandats qui ne permet plus d’être parlementaire et président de Conseil Départemental.
Nous sommes convenus de proposer la candidature de Christophe de Balorre. Il s’agit d’une démarche collective et non individuelle, ni de ma part, ni de la sienne ». Il a vraiment l’étoffe ? « Elle s’acquiert avec l’expérience ».
Il est souriant et bien éduqué, mais cela suffit ?
« Sa force est de savoir qu’il ne sait pas tout. Et donc il apprendra vite. L’essentiel est d’inspirer confiance et c’est son cas. Il pourra compter sur tout mon soutien ».
La fronde de 2012 (des conseillers généraux, essentiellement UMP, voulaient sa démission)…
« Une équipée improvisée par des tireurs de ficelles dissimulés derrière des protagonistes manipulés. Un épisode classé ».
Comment remédier au décalage entre votre conception du rôle d’un élu de premier plan et ce qu’attend la population (un élu-assistante sociale présent aux cocktails et comices agricoles, coupeur de rubans, etc.) ?
« Les coureurs de cocktails et de comices agricoles n’atteignent jamais les rôles de premier plan. Aux électeurs de choisir leur type d’élu. Les fêtes, foires et cérémonies ne sont d’ailleurs pas les meilleurs moments, pour être à l’écoute de la population. J’en apprenais plus dans mon étude (notariale) que dans ces rencontres où les officiels mangent éloignés des autres invités ».
Comme Fillon et compagnie, n’auriez-vous pas bénéficié des avantages du système politique ?
« Comme tous les parlementaires, j’ai bénéficié d’un prêt à faible taux d’intérêt (cependant plus élevé que ceux d’aujourd’hui) pour acquérir un appartement proche du Sénat. Carte de transport gratuite. Quant aux assistants, à mon époque, la tradition était de les mutualiser au sein du groupe auquel j’appartenais». Emmanuel Macron ? « Je le connais. Même s’il a beaucoup de talent, il est trop inexpérimenté pour la fonction. Le plus intelligent n’est pas forcément le plus apte à gouverner ». Fillon, c’est mieux ? « Je fais partie des moutons : je n’entrerai pas en dissidence, notion que je connais avec son lot de déboires moraux. C’est un job de quadra ».
« Fabriquer un ministre dans l’Orne » « Jérôme Nury a un destin tracé »