La ville perd son plus vieux commerce
Le 30 avril prochain, c’est non sans une certaine émotion que Bernadette et Benoît Richard vont baisser pour toujours le rideau de la Clinique du vêtement, rue de la Victoire. La fin d’une belle histoire pour cette teinturerie fondée en 1871.
Depuis que la nouvelle de la fermeture définitive du commerce s’est répandue en ville, Bernadette et Benoît Richard ne cessent de recevoir des messages de sympathie, de leurs clients, et au-delà. Il faut dire qu’avec La Clinique du vêtement, c’est la plus ancienne enseigne fertoise qui va disparaître. « Ce sont les arrière arrière grands-parents de mon épouse qui ont créé cette teinturerie voilà 146 ans, raconte Benoît Richard. Le magasin était à 100 mètres de là, dans cette même rue, et l’atelier était au bord de la rivière à la Poterne. Ce n’est que dans les années 30 que le magasin a été transféré ici au 27, rue de la Victoire ».
La teinturerie Dufresne, puis Guignot, est restée dans la famille jusqu’en 1958. A cette époque, l’activité comprenait la teinture des tissus et des vêtements, mais aussi leur entretien (nettoyage, détachage, repassage).
De la fin des années 50 à 1976, le commerce sera tenu par M. et Mme Lavie. « Quand ils ont cherché à vendre, la grand-mère de mon épouse nous a poussés à reprendre cette teinturerie afin qu’elle revienne dans la famille. Nous avions alors 22 ans ». A cette époque, on parlait déjà davantage de pressing.
En 1978, deux ans après la reprise du fonds, le couple engage des travaux pour ramener l’atelier à côté du magasin. « Le bâtiment qui était le long de la rivière menaçait alors de s’effondrer. Il fallait faire quelque chose. Et puis, cela allait aussi nous éviter des déplacements et de la manutention ». Mais, finalement, face à la multiplication des normes, l’activité teinture est arrêtée au début des années 80, remplacée par la couture. « C’est à partir de cette époque que l’on a rebaptisé le commerce la Clinique du vêtement ».
Reconnus par leurs pairs, les époux ont obtenu le titre convoité de Maître artisan en 1987. Benoît Richard a également enseigné ce métier durant 25 ans, d’abord au lycée professionnel Flora-Tristan, puis à Caen. « Pour exercer ce métier, il ne faut pas compter ses heures et avoir la passion du travail bien fait » souligne Bernadette Richard, qui remercie sa clientèle pour sa fidélité et sa confiance durant toutes ces années. Fidélité qui s’est parfois transformée en amitié. « J’ai une cliente qui avait bien connu mes grands-parents et qui a continué d’être fidèle à notre commerce depuis ».
Depuis deux ans, alors que l’âge de la retraite approchait, les « doyens » des teinturiers de Normandie n’ont pas réussi à trouver de repreneurs. « Il y a ce sentiment, teinté d’un soupçon d’amertume, que c’est encore un peu de savoirfaire qui s’en va, sans avoir été transmis » estiment les commerçants.
Le fait de devoir fermer boutique alors que la demande est toujours là, avec un potentiel, est d’autant plus regrettable pour eux.
« Ce qui est grave, c’est que bon nombre de pressings indépendants en France seront contraints très prochainement de cesser leur activité faute de pouvoir faire face aux nouvelles contraintes. Depuis 30 ans au moins, nous n’avons eu de cesse d’appliquer les multiples mises aux normes et nous en étions à un niveau de pollution proche de zéro. Mais, l’interdiction du perchloréthylène, qui permet le nettoyage à sec, a été le dernier coup de massue ».
Un seul lieu
Savoir-faire
Contraintes
Une fois en retraite, le couple quittera La Ferté-Macé pour le Sud, afin de se rapprocher de leurs fils qui ont 39 et 37 ans. « Mais, nous reviendrons régulièrement dans la région où nous avons nos racines » confie Benoît Richard, qui se réjouit d’avoir vendu les murs à un investisseur souhaitant y implanter une activité commerciale « ce qui évitera d’avoir une friche, une verrue dans la rue ».
Ils emporteront dans leurs bagages une multitude de souvenirs de la cité fertoise, et notamment la vie associative dans laquelle ils se sont investis à travers Enfance et Partage, Solidar’Mômes, le Club Richelieu. Des souvenirs hauts en couleurs…
Nouveau départ