Démarché, un couple entreprend pour 250 000 € de travaux
Suite aux passage de commerciaux, un couple Fertois a acheté pour 250 000 € de travaux sur leur maison. Ils se sont endettés. Alertée, la famille a lancé la procédure à l’origine de l’audience. Un abus de faiblesse par des démarcheurs pourrait être reconn
La Ferté-Macé. Le 5 septembre 2013, un commercial se rend au domicile d’un couple. Il leur vend 24 panneaux photovoltaïques pour 38 000 €. Cette somme fera l’objet d’un crédit qui va entraîner un remboursement total d’environ 60 000 € avec les intérêts et assurances. Il s’avère que ce couple qui perçoit environ 2 400 € mensuellement est déjà endetté, 180 € pour le financement d’une pompe à chaleur achetée en 2009 et également environ 500 € pour deux crédits automobiles. Mais la vente va quand même s’effectuer, le commercial de 24 ans, absent devant le tribunal omettant de mentionner les crédits en cours afin de s’assurer du versement des fonds.
Lors de son audition, il déclarera qu’il avait pour consigne de ne pas faire état des crédits en cours, et qu’il n’avait pas conscience qu’il s’agissait dès lors d’un faux. Il précisera qu’il fallait vendre à tout prix du solaire et qu’il avait comme directives de ne pas s’occuper de l’endettement des clients, en mentionnant qu’il ne faisait pas de « ciblage particulier » quant à sa clientèle. Il ajoutera qu’il a perçu environ 2 500 € sur cette transaction. Il décrira ce milieu professionnel comme « un monde de requins » ajoutant « il faut faire des dossiers véreux pour atteindre ses objectifs ».
Le 18 septembre 2013, soit quelques jours plus tard, deux démarcheurs d’une autre société se présentent, sur les conseils du commercial du 5 septembre, au domicile de ce même couple à qui ils vendent une éolienne à 15 000 € payée à crédit également. Ils reviennent les 11 et 16 octobre pour vendre un ballon thermodynamique d’une valeur de 11 000 € et 12 panneaux photovoltaïques pour 18 000 €, là encore les achats son financés à crédit. Dans ces trois cas, à nouveau, les bons de commandes sont nonconformes. Par ailleurs, ce sont ces deux prévenus qui signent les demandes de crédit en lieu et place des victimes et les contrats ne mentionnent ni le prix total à payer et le taux d’intérêt.
A la barre, ces deux hommes de 28 ans et 29 ans reconnaissent les faits et précisent qu’ils n’avaient pas le sentiment de commettre des faux car les clients étaient d’accord. Par ailleurs, ces crédits sont pris auprès de trois organismes différents afin d’en assurer l’obtention et les charges supportées par les victimes ne sont pas mentionnées. A leurs dires c’est parce que ses charges ne leur ont pas été communiquées. Interrogés par le tribunal, ils répondent qu’ils n’ont pas eu le sentiment de profiter des victimes en leur vendant des produits dont ils n’avaient pas besoin, ajoutant « on aurait pu en vendre plus si on avait voulu ».
Troisième épisode, les 20 novembre, les 3 et 9 décembre 2013, ce couple va effectuer des travaux de bardage et d’huisserie pour 32 400 €. Lors d’une foire, le commercial d’une société leur tend un flyer, dans la foulée rendez-vous est pris avec les victimes. Ce jeune homme maintenant âgé de 25 ans était alors stagiaire dans l’entreprise dans le cadre d’un contrat de professionnalisation durant sa première année de BTS.
Il répète à la barre ce qu’il a déclaré lors de l’établissement de la procédure. Il explique qu’il avait remarqué tous les travaux entrepris par le couple comme les panneaux photovoltaïques ou l’éolienne, qu’à ce titre, il avait demandé les différents documents relatifs aux crédits en cours pour remplir la demande de financement, en précisant qu’il n’était pas sûr que celui-ci passe. Questionné il relate qu’il avait des états d’âme. Il clôt son instruction en disant s’excuser auprès des victimes et affirme qu’il se rend compte maintenant de ce qu’est un abus de faiblesse. Lors de l’enquête son supérieur, absent devant le tribunal, niera toute implication.
Le 20 mars 2014, une autre société vend encore huit panneaux photovoltaïques pour 13 500 €.
Travaux pharaoniques
Suite à tous les faits, le couple est endetté mensuellement à hauteur de 1 500 € après les travaux de novembre. La somme due au total le jour du procès est de 250 000 € environ intérêts et assurances compris. Ce sont des membres de la famille des victimes qui à l’occasion d’une visite se rendent compte des travaux pharaoniques entrepris. Une procédure est lancée amenant cette audience. Le juge des tutelles est saisi et des expertises psychiatriques des victimes sont effectuées.
Cet expert fera état concernant la femme d’une altération ancienne des facultés mentales, d’un intellectuel avec retard léger. Il décrit une femme qui a du mal à évaluer les grands nombres, naïve, qui a besoin d’être assistée et qui ne peut défendre ses intérêts. Celle-ci sera placée sous curatelle renforcée.
Concernant l’homme, celuici est présenté avec un déficit intellectuel avec une quasi absence des acquisitions scolaires. Cet expert fait état d’un retard dans la parole et le langage, mentionne que ce dernier ne peut effectuer que des calculs simples, qu’il est crédule, qu’il y a une altération des facultés mentales. Il conclut que l’intéressé a besoin d’assistance et de contrôle étant incapable de pourvoir seul à ses intérêts.
A la barre, questionnés par le président, aucun des deux ne peut expliquer ce qu’ils attendent de l’audience de tribunal.
Base expérimentale sur Mars
Me Jean-François Chappe représentant l’homme du couple et l’UDAF (curateur) relatent que les victimes se sont faites démarcher par des sociétés qui leur vendent encore et encore, « leur maison ressemble à une base expérimentale sur Mars » souligne-t-il. A son sens les victimes auraient dû bénéficier d’une protection dès leur majorité pour éviter tous ces abus. Pour lui moralement, les faits sont lamentables, les commerciaux et les sociétés ont profité du malheur et de la fragilité des victimes, il fait état d’une sale mentalité. Il demande une somme totale de 307 000 € au titre du préjudice moral et financier.
L’avocat de la femme rappelle que celle-ci est dorénavant sous curatelle renforcée et regrette que les banques et les dirigeants des sociétés ne soient pas cités à l’audience. Il demande que l’abus de faiblesse soit reconnu par le tribunal, car dans la négative le montant des emprunts sera à supporter ad vitae aeternam par le couple, qui reçoit déjà des assignations des créanciers. Il souligne également que des faux ont été établis, que la maison de sa cliente est évaluée à 40 000 € ce qui est sans commune mesure avec les travaux établis. Il demande 313 000 € de partie civile.
Pour Diane de Chalup procureur, ce dossier est une succession d’abus de faiblesse et de non-respect du droit à la consommation. Elle estime que l’abus de faiblesse est caractérisé et que le passage des parties civiles à la barre le démontre, mettant en avant qu’ils ont eu du mal à répondre aux questions posées par le tribunal. Concernant les faux et usage, là aussi, ces faits sont établis à son sens concernant les différents prévenus. C’est un dossier impressionnant car il n’y a que deux victimes contrairement aux autres dossiers similaires que le tribunal a eu à connaître martèle-t-elle, avant de requérir des peines d’emprisonnement mixte et avec sursis et d’amende à l’encontre des sept prévenus et uniquement des peines d’amende de 15 000 € à 45 000 € pour trois des sociétés mises en cause.
Abus de faiblesse ?
Me Marina Bono, avocate de l’homme de 24 ans, vendeur des 24 panneaux photovoltaïques souligne que son client avait été embauché très peu de temps avant les faits comme responsable d’agence, alors qu’il n’avait aucune expérience. Elle mentionne qu’il assume ses responsabilités et qu’il aspire à y répondre. Me Hugon, défenseur de la société ayant employé l’intéressé émet quant à lui des doutes sur la probité de ce dernier estimant que la société se trouve impliquée malgré elle dans cette affaire. Il plaide la relaxe.
L’avocat des deux hommes ayant vendu l’éolienne, des panneaux photovoltaïques et le ballon thermodynamique estime que le dossier souffre d’un préjugé, d’un prisme déformant dû à la pluralité des différents prévenus. Il souligne que ses clients reconnaissent les faits de remises de contrat non-conforme mais plaide la relaxe pour les autres infractions pour lesquelles il y a pour lui un doute.
Me Mélanie Legot, avocat de l’étudiant en BTS met en avant que celui-ci s’est vite rendu compte qu’il y avait un problème et qu’il a d’ailleurs mis rapidement fin à son stage, elle estime que le quantum de la peine est élevé.
L’avocate de la société mise en cause en tant que personne morale pour les faits de mars 2014 plaide la relaxe. Elle explique que ce sont deux salariés qui sont mis en cause et non des représentants de la société. Pour elle, à ce titre il ne peuvent pas engager sa responsabilité, n’ayant d’ailleurs pas de délégation.
Le verdict est mis en délibéré qui sera rendu lors de l’audience du lundi 12 juin à 16 h.
Monde de requins