948. L’maire de Picqu’louveutte
C’est bin histouère de bavasseu un p’tit qua
L’maire de Picqu’louveutte euteut un bonhomme assez meudioque tant au physique qu’au moral. On yaureut donneu cinquante ans en li r’gardant la téte, mais souéxante en veuillant sa beudaine deujà conseuquente et sa barbe bianche comme la jument au pére Malzy. Il t’eut soupe au leut et aveut la sensibiliteu d’eune balance qui marque les dizièmes de gramme. I n’deusseureut les lèves que pour montreut ses dents, si bin qu’il teut toujous prét à s’deuffende conteur le sien qui vouleut morde sû son bâton. Le pli veurtical qu’il aveut au mitan d’son front, montreut bin l’entét’ment du Normand pas deucideu à s’en laisseu compteu. C’euteut un maire trisse comme un Meuqueurdi des Cendes alors que sa feumme, euteut gaie comme un Mardi d’Carnaval. Et bin qu’à Picqu’louveutte chaque meunage ne dispose que d’eune feumme, l’peurmieu magistrat d’la commune n’aveut jamin reuson dans son meunage et c’est pour ça qu’i vouleut c’mmandeu à la mairie…
Le maire de Piquelouvette était homme d’apparence. Il paraissait avoir cinquante ans, mais on lui en donnait soixante rien qu’en voyant la proéminence de son ventre et sa barbe blanche. Irascible, il avait la sensibilité d’une balance qui marque les dixièmes de gramme. Il ne desserrait les dents que pour mordre. Le pli vertical qu’il avait au front montrait bien l’entêtement du Normand. S’il était triste comme un Mercredi des Cendres, sa femme était gaie comme un Mardi de Carnaval. Et s’il ne commandait pas à la maison, bien qu’il n’ait qu’une femme comme cela se fait à Picquelouvette, aussi entendait-il bien être le maître à la mairie.