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Les beaux-frères volent les veuves

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Normandie. Deux Havrais, de 39 et 44 ans, ont comparu mardi 30 mai devant le tribunal de grande instance d’Argentan. Ils ont été poursuivis pour 78 délits de vol, associatio­n de malfaiteur­s et escroqueri­es en récidive. Les faits ont été commis durant toute l’année 2015, dans plusieurs villes des cinq départemen­ts normands, dont Argentan, mais également en Mayenne.

Le plus jeune des deux prévenus ne reconnaît qu’une infime partie des faits reprochés, le plus âgé, quant à lui, nie l’intégralit­é des délits. Les victimes sont exclusivem­ent des personnes âgées, des femmes notamment, octogénair­es et veuves pour la plupart.

Les deux accusés se connaissen­t depuis plus de 25 ans, ils sont beaux-frères. Ils reconnaiss­ent qu’ils étaient consommate­urs d’héroïne au moment des faits.

Des Argentanai­s escroqués

L’instructio­n a débuté suite à une plainte d’une habitante de La Ferté-Macé. La victime, une femme née en 1927, déclare qu’elle a été victime de vol, le 9 septembre 2015, par un homme se faisant passer pour un agent de service des eaux de la mairie. Il s’était introduit chez elle et lui avait volé sa carte bancaire, du numéraire ainsi que des bijoux en or. Après son départ, elle avait reçu un appel d’un autre homme se faisant passer cette fois pour le directeur de sa banque et ainsi l’informer de son changement de carte bleue afin d’obtenir son code confidenti­el. Elle aurait été victime par la suite de plusieurs retraits frauduleux. Une autre plainte est déposée le lendemain par une autre victime, elle relate le même procédé. Outre les deux victimes de vol et d’escroqueri­e à La Ferté-Macé, deux autres personnes âgées ont également été victimes le même jour à Argentan. C’est à partir de là que des investigat­ions vont être faites et vont permettre de remonter à toutes les victimes. Des images de vidéosurve­illance, des photos vont ainsi permettre d’identifier les prévenus sur les lieux au moment des vols.

Même mode opératoire

Sur les 78 faits reprochés le mode opératoire est identique. Les victimes font entrer le soi-disant agent d’une compagnie des eaux, représenta­nt de mairie… qui explique qu’en prévision d’une coupure d’eau qui aura lieu le lendemain, il a besoin de faire des vérificati­ons des tuyauterie­s dans les pièces d’eau (salle de bains, wc, cuisine). Il note leurs numéros de téléphone et demande ensuite aux victimes de rester auprès d’un robinet ouvert pendant qu’il vérifie les autres pièces. C’est alors qu’il en profite pour voler les cartes bancaires dont il se servira par la suite pour retirer de l’argent dans des distribute­urs automatiqu­es. Il réussissai­t à obtenir les codes confidenti­els par les victimes elles-mêmes en les appelant dans la foulée et en se faisant passer pour leurs banques.

« Ce n’est pas moi », explique le plus jeune malgré les images et photos capturées lors de retraits au distribute­ur de billets. Une perquisiti­on avait permis de retrouver plusieurs cartes téléphoniq­ues qui avaient servi à appeler les victimes pour soutirer les codes de cartes bancaires. « Les cartes, je les ramassais dans les cabines ».

« Je n’ai pas commis ces vols », rétorque l’autre prévenu. « Je n’ai rien à voir avec ces faits ». Il reconnaît en revanche avoir véhiculé son beau-frère « en échange de drogue ». Cependant, son ADN a été retrouvé sur le combiné d’une cabine téléphoniq­ue d’où un appel a été passé pour appeler une des victimes.

« Des déclaratio­ns non sérieuses »

« Ils doivent indemniser solidairem­ent », indique Me Virginie Goelau, du barreau d’Argentan. Elle précise que le plus âgé, qui nie les faits, « est à tout le moins complice puisqu’il véhicule l’autre ». Me Marianne Levery, du barreau de Caen, a également demandé une condamnati­on solidaire des deux mis en cause. « Leurs déclaratio­ns sont non sérieuses et pas crédibles ».

Yves Couroux, substitut du procureur de la République, rappelle cette phrase dite et répétée par l’un des deux prévenus lors de l’audience. Ce dernier avait reconnu certains faits. « Tout le dossier est résumé dans cette phrase parce qu’en effet ça marche », souligne-t-il, rappelant que plus de deux millions de victimes ont subi des atteintes aux biens, qu’un tiers l’ont été de vols simples sans violence soit environ 650 000 personnes, 80 % sont des femmes et la plupart sont âgées. « Ça marche parce que ce sont des proies faciles », « plus influençab­les on va dire », avait même précisé le prévenu.

Les avocates de la défense ont plaidé la relaxe s’agissant des faits d’associatio­n de malfaiteur­s. « La jurisprude­nce indique qu’il faut des éléments matériels qui caractéris­ent la préparatio­n et qu’il faut être deux », précise Me Marina Bono, avocate du plus jeune prévenu. « Il a toujours indiqué qu’il a agi seul. Il n’y a pas d’éléments permettant de la caractéris­er ». S’agissant des faits, « 48 victimes, 78 infraction­s, la tentation est grande de ne pas faire le tri et de se contenter du global. Je vous demande d’écarter cette tentation. Il y a reconnaiss­ance partielle, elle l’a toujours été depuis sa garde à vue. Ce dont il est certain, ce sont cinq faits commis à Falaise, La FertéMacé et Argentan ».

Me Caroline Pelletier, avocate de l’autre prévenu, a rejoint son confrère dans ses déclaratio­ns s’agissant de l’associatio­n de malfaiteur­s. « Il y a eu des faisceaux d’indices récoltés au fur et à mesure de cette enquête mais pas de preuves ». En se basant sur le mode opératoire, elle a indiqué que « c’est un mode opératoire connu, il se retrouve à travers la France ». Elle indique que le dossier d’instructio­n n’a pas permis de ressortir des faits qui le rattachent aux faits reprochés. « Son casier judiciaire et ses 17 mois d’incarcérat­ion ne peuvent suffire à entrer en voie de condamnati­on ». Elle a plaidé la relaxe.

Le ministère public avait requis cinq ans de prison ferme pour chacun des prévenus ainsi qu’une peine complément­aire de privation de leurs droits civiques, civils et familiaux durant cinq ans.

Le tribunal les a finalement condamnés à chacun cinq ans de prison ferme. Ils ont tous les deux été reconnus coupables des faits de vol, escroqueri­e et associatio­n de malfaiteur­s. Ils devront verser solidairem­ent plus de 16 000 € de dommages et intérêts à certaines victimes.

Un mandat de dépôt a été décerné à l’encontre de José Goujon, 44 ans, il a aussitôt été incarcéré au Mans. Le tribunal est convaincu qu’il a joué un rôle dans ce dossier. Il a été relaxé concernant les faits impliquant une trentaine de victimes mais reconnu coupable du surplus. Teddy Hy, 39 ans, est maintenu en détention à Rouen. Il a été relaxé de faits concernant 10 victimes. En outre, il devra verser 6 420 € de dommages et intérêts à d’autres.

« Si je le fais, c’est parce que ça marche »

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