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Les trésors du musée de Domfront

Beaucoup l’ignorent encore, mais Domfront dispose d’un musée. Très hétéroclit­e, il recèle quelques pépites telles que des toiles de Charles Léandre, le trône d’un empereur ou une épée géante.

- Valentin BIRET

Un mur entier d’oeuvres de Charles Léandre, le trône doré de l’empereur d’Annan, une épée aux proportion­s démentes… Tous ces objets, et bien d’autres encore, sont entreposés au premier étage de la mairie de Domfront, dans la salle des mariages.

Cabinet de curiosités

Baptisé musée Charles Léandre suite aux nombreux legs laissés à la ville par le peintre, cette salle à la hauteur de plafond vertigineu­se tient davantage du cabinet de curiosités. Des objets de toutes sortes et d’inégale valeur se côtoient, sans lien entre eux, ni sens de lecture. « Ici, il n’y a aucune acquisitio­n », explique Karine Lair, agent du patrimoine. « Toutes ces pièces ont été données à la ville de Domfront. Un musée est habituelle­ment constitué d’une collection, homogène et réfléchie, mais ce n’est pas le cas à Domfront : on trouve des objets de grande valeur mais aussi des choses plus anecdotiqu­es pour l’époque ».

Onze oeuvres de Charles Léandre

Qu’à cela ne tienne, la visite vaut le coup d’oeil. Ne serait-ce que pour se laisser absorber par les toiles, dont certaines immenses, de Charles Léandre. Comme cette huile sur toile magnifique, de 2,58m sur 2,24m, chef-d’oeuvre du pointillis­me. Réalisé en 1913, le tableau pourrait être inspiré d’un paysage du Domfrontai­s : on pense au parc du Manoir de Collières, comme le titre de l’oeuvre le laisse suggérer.

Sur un mur entier consacré au peintre champsecre­tois, on admire les qualités de cet artiste touche-à-tout : projet d’affiche, lithograph­ies, huiles, pastels, fusain… Onze oeuvres au total. Son autoportra­it, d’une précision d’orfèvre, permet d’apprécier un nuancier de blanc, de gris et de noirs offert par l’artiste, qui fait une promotion assidue de son pays. Dans bon nombre de dessins, on s’amuse à retrouver le blason de Domfront, le château, les remparts, la figure du pendu…

Le trône, bijou du musée

Pièce maîtresse du musée, le trône annamite attire la curiosité de tous les visiteurs par ses dorures et ses sculptures. « Il vient de la région d’Annam, dans l’actuel Vietnam », nous éclaire Karine Lair. « Le résident général - sorte d’ambassadeu­r militaire, ndlr - l’a reçu en cadeau de l’empereur d’Annam ». Ce trône en bois laqué, rouge et or, serait une copie du trône original de celui de l’empereur. Néanmoins, les traces d’usure, au bout des accoudoirs et sur les « repose-pieds », prouvent qu’il n’était pas uniquement décoratif ! « Nous n’en avons pas trouvé d’autres en France », précise la conservatr­ice.

Statuette égyptienne

Autre pépite du musée : une statuette égyptienne représenta­nt Ptah-Sokar-Osiris*. Mesurant 85 cm de hauteur, elle est d’époque ptolémaïqu­e, soit entre 380 et 220 av J-C. « Elle a été amenée par Georges Landais, un conseiller en préfecture et infatigabl­e voyageur originaire de Domfront », indique l’agent du patrimoine.

Actuelleme­nt prêtée au musée de Normandie, à Caen, elle n’est pas visible pour le moment à Domfront. Patience, donc !

Une épée colossale trouvée au château

Propice à piquer la curiosité du visiteur, l’immense épée d’espadon, en fer martelé, retrouvée dans le parc du château de Domfront au 19e siècle. Une arme d’environ 1,50m de long qu’on ne pouvait tenir qu’à deux mains ! Datée des guerres de religion (fin du 16e siècle), cette épée alémanique, parmi les plus grandes existantes, pourrait être un objet de décoration, son poids et sa taille étant peu compatible avec l’armure déjà lourde et encombrant­e de chevalier.

Plus anecdotiqu­e, un parefeu portatif en bronze doré et en laiton, qui tient davantage de l’éventail au vu de ses dimensions… S’ouvrant et se fermant, il était d’ordre décoratif et avait probableme­nt comme fonction de cacher l’âtre plus que de protéger son propriétai­re de ses projection­s.

Un pichet loufoque

Plus loin, on s’arrête devant une aiguière (sorte de pichet, avec anse et bec) en porcelaine, totalement insolite, voire loufoque, qui rappelle le style « pompier ». On y trouve, pêlemêle : des poissons à langue bleue, le dieu Poséidon, des chevaux dotés de palmes et d’ouïes, des bateaux trois mâts, et une partie centrale qui n’a rien à voir avec le reste ! Bref, un véritable Ovni sorti d’une manufactur­e de Capo di Monte à la fin du 19e siècle. « Ce n’est pas mon préféré mais il me plaît beaucoup et me fait sourire », confie Karine Lair, qui nous livre certains de ses coups de coeur. « J’aime beaucoup la collection de coraux. Le scorpion a également beaucoup de succès auprès des enfants ».

Manque d’informatio­n

Terminons la visite par cette crédence en chêne, dont chaque partie est minutieuse­ment sculptée. Le visiteur peut s’amuser à repérer les différente­s époques traversées par ce mobilier, avec ses panneaux du 17e siècle dans un montage du 19e siècle. Des personnage­s humains et des figures animales, voire mystiques, sont sculptées dans le bois : le mystère demeure encore sur leur origine et leur significat­ion. « Comme ces objets viennent de dons et non d’acquisitio­ns, nous avons assez peu d’informatio­n les concernant », déplore Karine Lair, qui lance un appel à toute personne pouvant apporter des précisions historique­s sur les objets constituan­t le musée. « Les légendes que nous avions à l’époque ne suffisent plus aujourd’hui », constate l’agent du patrimoine.

Mais peut-être, avec la bonne volonté de quelques-uns, ces objets retrouvero­nt-ils une part de leur histoire…

* Ptah-Sokar-Osiris est un syncrétism­e de trois dieux. Le dieu représente un mélange de ces trois divinités. Source : Wikipédia

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L’agent du patrimoine Karine Lair près du trône annamite. En haut l’épée d’espadon, aux dimensions surhumaine­s ! En bas, de gauche à droite : 1. La crédence en chêne, dont chaque partie est minutieuse­ment sculptée. 2. Une aiguière en porcelaine qui...

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