Inquiétude en vue du redécoupage des zones
À court terme, le Bocage Carrougien et la Suisse Normande ne seront plus des espaces considérés comme compliqués naturellement à exploiter. Conséquence, le montant des subventions aux agriculteurs établis dans ces régions va baisser.
Saint-Aubert-sur-Orne. Cela fait à peine 9 mois que Pierre Pichard est installé dans sa ferme de Saint-Aubert. Avec 60 vaches laitières, il produit environ 320 000 litres de lait. La vie n’est pas simple et s’« il y a largement assez de travail pour deux agriculteurs », il s’est lancé dans son projet de ferme biologique et autosuffisante avec toute la bonne volonté du monde.
En plein coeur de la Suisse Normande, à proximité quasi immédiate du lac de Rabodanges, le terrain est « ingrat », et même, « compliqué à exploiter ». Une boutade de Thierry Ameslant, l’animateur régional du syndicat de la Confédération Paysanne, résume bien l’âpreté du terrain : « il faut y être né pour bien vouloir y travailler ».
Un terrain raide
En effet, avec de la famille sur Chênedouit, Pierre Pichard fait partie des plusieurs centaines d’agriculteurs à travailler tous les jours sur un terrain compliqué. Plus précisément sur une zone défavorisée simple (ZDS) qui octroie directement un ICHN (indemnité compensatoire de handicaps naturels) à ceux qui travaillent dessus. Établi sur le lieu-dit du Joncquerel, le jeune agriculteur (seulement 26 ans) doit monter et descendre tous les jours des dénivelés importants. Parfois, les machines n’arrivent pas à atteindre certaines zones de ses pâtures tant le terrain est raide. Au sommet de l’une des crêtes qui composent son domaine, Pierre Pichard a dû terrasser d’importantes pierres pour optimiser l’espace pour ses vaches.
Perte de presque 9 000 €
Or, la France et l’Europe ont décidé de revoir leur carte des ICHN. Et dans la nouvelle mouture à paraître en 2019, le Bocage Carrougien et la Suisse Normande vont voir leur ICHN drastiquement baisser. D’après les calculs de la Confédération Paysanne, si ces zones sortent des ZDS, un agriculteur comme Pierre Pichard va perdre 8 775 € dès 2019. Soit la moitié de son revenu d’après les calculs du syndicat.
« Décourage les jeunes »
Un véritable problème qui « décourage les jeunes de s’installer », d’après Laurent Leray, le porte-parole de la Confédération dans l’Orne. « D’autant plus ceux qui font l’effort d’avoir une agriculture biologique. »
« Quand on est en Bio, on apporte un service à la société. Il faut savoir que pour traiter un hectare ça prend 10 minutes. Mais dans une agriculture bio, on passe à deux heures. Il faut des choix politiques pour encourager ces démarches », note le porte-parole.
Pour l’occasion, la nouvelle préfète de l’Orne, Chantal Castelnot s’est déplacée également sur la ferme de Pierre Pichard. « On est à l’écoute et on va faire remonter les informations du terrain », résume-telle en observatrice.