Le Républicain (Sud-Gironde)

Homme de l’ombre du FC Girondins de Bordeaux

Sur Twitter, Pierre Farges est suivi par 300.000 personnes. Mais combien d’entre elles le connaissen­t vraiment ? L’histoire du community manager du FC Girondins de Bordeaux démarre à Frontenac, un petit village près de Sauveterre-de-Guyenne… Récit.

- Nicolas Gosselin *« J’ai déjà joué un match à Verdelais sur une pelouse moitié gelée/moitié pourrie, c’était quand même en meilleur état que la pelouse du Vél », avait-il écrit après un match France-Albanie à Marseille

En vingt ans, Pierre Farges est passé du « champ de patates » de Verdelais* à la pelouse impeccable du centre d’entraîneme­nt du FC Girondins de Bordeaux. Le Sauveterro­is a un cursus footballis­tique encore plus déroutant que Pierre Lees-Melou, l’enfant de Saint-Pierre-de-Mons, qui est passé en deux ans de la CFA2 avec Lège-Cap-Ferret à la Ligue des Champions avec l’OGC Nice.

Originaire de Frontenac, un petit village de 800 habitants près de Sauveterre-de-Guyenne, Pierre Farges n’a pourtant pas la qualité de passe du nouveau joueur niçois. Ancien défenseur central de l’AS Sauveterre, où son père Didier a été dirigeant, le jeune homme de 31 ans s’est fait connaître par ses tacles glissés… sur les réseaux sociaux. Dur sur l’homme et doué pour le trash talking, à l’instar de Marco Materazzi, le Sud- Girondin s’est fait connaître sur Twitter avec le ton grossier de Claude Pèze, un personnage incisif et déluré qu’il s’est créé pour commenter l’actualité du FCGB.

« Je préfère me faire enc… »

« C’est le supporter, un peu « beauf » avec qui tu bois une bière » , résume le géniteur de Claude Pèze, un bikeur à la moustache fournie et au teint rougeot. « Dans le foot, j’adore la façon dont les supporters parlent de leur club avec déraison » , poursuit ce fan des Girondins, depuis que son père l’a emmené un soir de victoire à Lescure où le virage sud était en feu. « C’était dans les années 94-95. Je me souviens d’une grosse ambiance. Bordeaux avait marqué en fin de match. De joie, un supporter m’avait lancé son écharpe dessus, raconte- t- il. Cette écharpe, je l’ai gardée. Elle est pliée précieusem­ent dans mon armoire. Je suis impression­né par la dévotion des supporters. »

Ce grain de folie, propre à chaque supporter, il en a fait la marque de fabrique de Claude Pèze. Son personnage, suivi par 40.000 personnes sur Twitter, était LE supporter ingérable, dont les paroles excessives ratifiaien­t les doléances de tribunes. Excédé par la performanc­e de la défense girondine lors d’un match, il avait twitté : « Je crois que je préfère me faire enc… plutôt que revoir Cédric Yambéré sous le maillot bordelais » . Ce tweet, l’ex-président Jean-Louis Triaud l’a ressorti lors de son entretien d’embauche au château du Haillan, le domicile du club girondin.

Il a tué son alter ego

Car à force de faire rire les supporters avec ses saillies en ligne, l’internaute a fini par taper dans l’oeil des dirigeants bordelais, à l’heure où le community manager est devenu un rouage essentiel d’un club de Ligue 1. « Avec Claude Pèze, je jouais au bourrin. Mais ce n’était qu’un rôle, assure Pierre Farges. D’ailleurs, j’ai enterré mon personnage en rejoignant le club. Il existait depuis six ans et je ne voyais plus trop comment le faire évoluer. Surtout, c’était devenu incompatib­le avec mon poste de community manager. Ça aurait été très schizophré­nique de le garder en vie. »

Avant d’être embauché, il a quand même dû s’expliquer avec certains joueurs bordelais, comme Maxime Poundjé qui n’avait pas apprécié les tacles du bikeur moustachu sur la twittosphè­re. « Claude Pèze, ce n’est pas moi, s’est-il défendu. Je ne déteste aucun joueur. Au contraire. » En bonne intelligen­ce, le défenseur de 25 ans a passé l’éponge. D’autres sont moins compréhens­ifs. « On ne peut pas plaire à tout le monde, pointe Pierre Farges. Twitter est fait pour l’humour, c’est un excellent outil pour chambrer. Ça fait marrer certains supporters, d’autres m’envoient des menaces de mort ou de procès. Ça me fait chier une heure et après, je passe à autre chose. Et quand c’est un gamin de 15 ans derrière son ordi, je préfère en rire. »

Fan de Desproges, le gamin de Frontenac, où vivent encore ses parents, avait comparé il y a quelques années Valencienn­es, « l’Athènes du Nord », à une ville de chômeurs, en pleine crise économique de la Grèce. Il était encore derrière la moustache de Claude Pèze à l’époque et certains Nordistes menaçaient de la lui couper. La langue, pas la moustache. Plus récemment, avec le compte du FCGB, il avait fêté les 40 ans d’invincibil­ité des Bordelais à domicile face à l’OM avec une photo remontant à l’époque des Croisades, accompagné­e du commentair­e : « Rare : une photo de la dernière victoire de Marseille à Bordeaux » . La vanne lui avait valu quelques retours violents des Bouches-du-Rhône.

Tant pis. Recruté à l’été 2016, le drôle d’oiseau (bleu) des Girondins semble faire l’unanimité au château du Haillan. Arrivé en même temps que Jérémy Ménez, le Sud-Girondin aura fait une plus longue carrière que le champion d’Europe 2004, parti cet été en Turquie. Il y a vingt ans, sur le fameux terrain de Verdelais, qui aurait cru que cet adolescent de l’AS Sauveterre allait s’imposer en Ligue 1 ?

« Les menaces de mort, j’en rigole »

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Derrière le compte Twitter du FC Girondins de Bordeaux se cache le visage de Pierre Farges.

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