Le Réveil (Le Réveil (Édition Bresle - Oise - Somme)
Une plante toxique gagne du terrain
Le séneçon de Jacob prolifère dans le pays de Bray. Déjà bien présent dans l’oise et la Somme, il représente une menace pour les équidés et les élevages. Doit-on s’en inquiéter ?
« Nous avons là un vrai problème sanitaire » s’alarme Eugénie Carpentier, co-présidente du Summer Pony Show. Le séneçon de Jacob - ou séneçon jacobée - gagne du terrain dans le nord de la France, notamment en Picardie et en Normandie. Quelques mois plus tôt, sa soeur Noémie, habitante de la Somme, perdait un de ses poneys à cause de la plante.
Eugénie raconte le drame : « Son poney est mort fin 2016. Au départ, il avait des coliques, puis il a commencé à avoir des comportements bizarres. Il plongeait entièrement sa tête dans le bac d’eau. Un jour, il avait traversé le champ, au-delà des clôtures. Elle l’a retrouvé plus loin étalé par terre ».
Après l’autopsie de l’animal, la vétérinaire Victoria Mercadier découvre des toxines alcaloïdes dans le foie de l’animal. Aucun doute : le poney de Noémie est mort après une intoxication au séneçon jacobée. « Elle en est envahie », précise Eugénie Carpentier.
Prolifération rapide
L’été dernier, la plante était visible çà et là, dans des lieux isolés, souvent en bordure de route. Cette année, sa présence est nettement plus importante. « J’ai arraché des pieds sur la route d’argueil, la route de Lyons et dans plusieurs prés voisins » rapporte Eugénie, qui craint pour ses chevaux. « J’ai six hectares, je ne peux pas tout éplucher », pointe-t-elle.
À La Ferté-saint-samson, son voisin Emmanuel Breton est éleveur. Il produit également du foin. « On commence à en avoir dans les pâtures. J’en ai eu dans des prés à Ménerval. En causant avec les clients, j’ai appris que c’était une plante nocive » explique-t-il.
Plus présent en Picardie, le séneçon fait son chemin en Seinemaritime. « Il peut y en avoir un pied par hectare, voire plus. Ça dépend des endroits. On le voit surtout en bord de route » observe Emmanuel.
Les raisons de l’apparition du séneçon jacobée sont diverses et discutées. Pour Emmanuel Breton, c’est « le vent qui amène les graines, mais aussi les machines agricoles quand on broie les talus. Ces graines peuvent faire des kilomètres ». Et surtout, elles sont très résistantes, et peuvent dormir pendant près de 20 ans avant de germer. Les fortes chaleurs, fortes pluies et la sécheresse sont autant de facteurs aggravants qui nuisent à la qualité du sol. À noter : depuis deux ans, la Seine-maritime est en alerte orange sécheresse.
Une autre raison pourrait être le manque d’entretien des routes, la plante poussant souvent sur le bas-côté. « Les bordures de route sont fauchées trop tardivement, alors la plante a le temps de faire des graines et de progresser » regrette l’éleveur.
Émilie Vallée est conseillère en fourrage auprès des agriculteurs en Haute-normandie. Selon elle, la prolifération de la plante peut résulter de mauvaises pratiques agricoles : « Quand une prairie est trop exploitée - que les animaux mangent et piétinent trop au même endroit ça dégrade les bonnes espèces productives, et de mauvaises plantes diverses s’installent ». Comme le séneçon.
Des solutions
Pour Émilie Vallée, il est nécessaire que les propriétaires surveillent la qualité du sol de leurs prés, et que les animaux ne restent pas tout le temps au même endroit. Mais il faut aussi « traiter avant floraison » d’après elle. « Il faut faire des fauches avant juillet pour être sûr qu’elle ne se multiplie pas. »
L’arrachage est le moyen le plus répandu pour se débarrasser de ce fléau. Emmanuel Breton en a fait l’expérience. « On a arraché à la main, les pieds n’étaient pas trop gros. Si on laisse pousser ça par contre, ça va être la misère totale », souligne-t-il. Dans une région de fourrage et d’élevage, « comment faire si on ne peut plus produire de foin ? » s’interroge Eugénie Carpentier.
Avant de s’en débarrasser, il faut être capable de la reconnaître pour protéger ses bêtes.
« Un vrai problème sanitaire » « Des kilomètres »
Dans une botte de foin, il faut chercher les tiges violettes. Malheureusement, difficile de faire face au fléau. Comme le note Eugénie : « On ne peut pas fouiller dans chaque botte ».