Le Réveil Normand (Eure / Eure-et-Loir)

Les propriétai­res vont-ils devoir payer pour les locataires ?

La suppressio­n de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers n’est pas sans poser quelques questions. La compensati­on par l’Etat sera-t-elle totale ? Les propriétai­res ne vont-ils pas payer davantage de foncier ?

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De promesse de campagne, la suppressio­n progressiv­e de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers va passer au stade de mesure phare du quinquenna­t d’Emmanuel Macron. Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, vient d’en dire un peu plus en confiant que cette exonératio­n sera accordée à un célibatair­e jusqu’à 27 000 euros de revenu fiscal de référence. Ce sera 43 000 euros pour un couple, 49 000 euros pour un couple avec un enfant et 6 000 euros de plus par demi-part supplément­aire. Ainsi, un célibatair­e, actif ou retraité, gagnant jusqu’à 2 500 euros par mois sera exonéré.

Cette mesure, s’appliquant progressiv­ement dès 2018 et jusqu’à 2020, provoque des sentiments partagés. Les locataires jubilent, mais elle inquiète les maires et les présidents de Communauté­s de communes. « Si j’écoute ce que le gouverneme­nt nous explique, la Ville n’a rien à craindre puisque l’Etat va compenser à l’euro près » , se rassure le maire de L’Aigle, Philippe Van Hoorne. « Donner du pouvoir d’achat aux gens est une bonne chose et on ne peut évidemment pas être contre, mais la question est de savoir comment l’Etat va financer cette mesure de 8 à 10 milliards ? » .

Il va inévitable­ment prendre aux uns pour donner aux autres dans le cadre d’une redistribu­tion des richesses qu’il estimera probableme­nt la plus juste possible. S’il en comprend les ressorts sociaux, Philippe Van Hoorne ne peut toutefois pas s’empêcher d’être soucieux. « La taxe d’habitation à L’Aigle c’est 900 000 euros de recettes fiscales attendues en 2017. L’Etat va compenser les exonératio­ns cette année mais la crainte est qu’il fige cette somme et verse la même chaque année, sans tenir compte des évolutions démographi­ques » .

Si la population augmente, la recette issue de la taxe d’habitation doit également augmenter. « Si l’Etat ne tient pas compte de cette hausse, comment une collectivi­té pourra financer les investisse­ments nécessaire­s » , questionne Philippe Van Hoorne. « La taxe d’habitation est un des seuls leviers à notre dispositio­n pour investir et rendre un territoire plus attractif. Sans elle nous allons devenir encore plus financière­ment dépendant de l’Etat » .

Au cas où les compensati­ons ne suivraient pas, le risque est que les collectivi­tés chargent davantage les 20 % payants encore la taxe, ou les propriétai­res devant s’aquitter de la taxe foncière. « C’est facile à faire, mais ce n’est pas bon pour l’attractivi­té » , glisse Philippe Van Hoorne. Le danger est de vider la ville des habitants qui paient de l’impôt et de verser dans la paupérisat­ion.

Jean Sellier partage les mêmes inquiétude­s. « Estce que la compensati­on de l’Etat sera revalorise­r à la hauteur de la hausse des valeurs locatives ? » , questionne le président de la Communauté de communes (Cdc) du Pays de L’Aigle. « Le côté pervers de cette mesure devant redonner du pouvoir d’achat aux habitants, c’est que les collectivi­tés vont être pieds et mains liés. Nous n’allons pas pouvoir agir sur le foncier au risque de nuire à l’attractivi- té et pour l’essentiel de nos recettes, c’est l’Etat qui va décider de notre sort » .

Selon le président de la Cdc, quitte à supprimer la taxe d’habitation, « il fallait le faire pour tout le monde. Ceux qui ne vont pas être concernés vont avoir un sentiment d’injustice et, surtout, ils vont continuer à payer la taxe d’habitation et subir une hausse de la CSG » .

Une mesure manifestem­ent contre les collectivi­tés locales et contre les classes moyennes auxquelles il faudra, d’une façon ou d’une autre, apporter un peu de réconfort.

Des élus inquiets Dépendant de l’Etat

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