Le Réveil Normand (Orne)

Deux ans de prison ferme requis pour avoir coupé la route à une moto

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Il avait « passé la nuit » en discothèqu­e où il avait consommé « une bouteille de whisky » avant de s’assoupir quelque temps, vers 5 h, dans sa voiture et de retrouver des amis « à la pêche » où il avait bu « une bière de 33 cl ».

Vers midi ce 6 juin 2015, alors qu’il regagnait son domicile au volant de sa Citroën C3, sur « la ligne droite » qui relie Rai à L’Aigle, l’Ornais alors âgé de 36 ans avait entrepris de tourner à gauche… au moment où survenait, en sens inverse, une moto.

Entre 76 et 86 km/h

Le choc a été tel que le pilote, grièvement blessé, a dû être héliporté vers le CHU de Caen. « Il souffrait d’un traumatism­e crânien et de l’abdomen, d’une fracture du bassin et de la main », a énuméré la présidente du tribunal correction­nel d’Alençon devant lequel comparaiss­ait le conducteur de la voiture, jeudi 21 septembre. « J’ai mis mon clignotant pour tourner, il n’y avait pas de véhicule dans mon champ de vision alors j’ai tourné. Puis j’ai entendu un crissement et un bruit de choc », a expliqué le prévenu.

Les expertises ont estimé la vitesse de la voiture « entre 20 et 22 km/h » et celle de la moto « entre 76 et 86 km/h au moment du choc et entre 87 et 97 km/h avant les traces de freinage, sur une zone limitée à 50 km/h ». Selon ces experts, « l’accident est dû à la vitesse excessive de la moto et à la route coupée par la voiture ».

« Buveur et fumeur occasionne­l »

Les prises de sang effectuées sur le conducteur de la voiture ont relevé qu’il était positif à l’alcool (0,77 mg par litre d’air expiré soit 1,54 g par litre de sang) et au stupéfiant. Le prévenu avoue avoir « fumé un ou deux joints la veille » de l’accident. Celui qui travaille, « toute la semaine en déplacemen­t », se qualifie de « buveur et fumeur occasionne­l ».

Le pilote de la moto a écopé de 140 jours d’interrupti­on temporaire de travail. « Il souffre de séquelles neuro-psychologi­ques » qui rendent sa parole difficile. Gérant d’une supérette à Rai, entre 2012 et 2014, il connaissai­t le pilote de la moto « pour l’avoir eu comme client essentiell­ement le week-end qui achetait de l’alcool »,a confié la victime.

L’expertise psychiatri­que du prévenu fait état « d’un sentiment de honte » depuis l’accident et mentionne qu’il avait lui-même été hospitalis­é deux mois à la suite d’un accident de motocyclet­te lorsqu’il était plus jeune et que son frère est décédé dans un accident de la route en 2009.

Victime directe et indirecte de la route

« L’accident a pour seule cause le fait que le conducteur ne voit pas la moto. Mais il ne l’a pas vu car il était sous l’emprise de l’alcool et de stupéfiant », plaide l’avocat de la partie civile. Me Guillaume Fourrier, du barreau de Paris, précise que son client « n’est toujours pas consolidé deux ans après l’accident ! Il a des difficulté­s à marcher, à parler, ses idées ont du mal à s’ordonner et ses troubles neurologiq­ues créent une irritabili­té accrue qui a un retentisse­ment sur lui et sur ses proches. Il n’y aura pas de vie profession­nelle future pour lui et son taux d’invalidité risque de se situer entre 40 et 70 %. Les conséquenc­es sont donc très lourdes et il demande une réparation de son préjudice moral ».

La vice-procureure de la République s’interroge sur « ce qu’il faut faire pour que les campagnes de la Prévention routière soient entendues ! Le prévenu savait qu’après avoir bu et fumé du cannabis, il prenait des risques. Alors pourquoi a-t-il repris le volant ? Au motif du « Pas vu, pas pris » ? « D’un certain « J’m’enfoutisme » ? Du « Ça ne va pas m’arriver à moi » ? Or ça lui est bien arrivé ! Et évidemment qu’il n’a pas voulu renverser le motard mais il avait pris le risque que ça lui arrive ! »

Pour Nelly Jousserand, le prévenu « est d’autant plus coupable qu’il a été lui-même victime directe et indirecte des dangers de la route ! Ce pourrait être une double circonstan­ce aggravante ! » Elle a requis trois ans de prison dont un an assorti d’un sursis et d’une mise à l’épreuve pendant trois ans ainsi que des obligation­s de soins, de travail et d’indemnisat­ion de la victime. Elle réclame, en outre, l’annulation de son permis de conduire et l’interdicti­on de se représente­r à l’examen avant un an.

Un automobili­ste désolé

L’avocat de la défense regrette « qu’on soit passé à côté de l’humain » dans ce dossier. « Tout le monde donne des leçons mais j’étais le seul présent lors de la garde à vue du prévenu qui était prostré, complèteme­nt perdu et très inquiet de l’état de santé du pilote ». Me Bertrand Deniaud invite le tribunal « à réduire les réquisitio­ns pour que ça n’ait pas l’effet contraire à celui recherché ».

Le prévenu a conclu les débats en s’affichant « désolé » de cet accident.

Le dossier a été mis en délibéré. Le jugement sera rendu jeudi 30 novembre à 14 h.

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