La carrière fait face à la crise
L’adage est bien connu : « Quand le bâtiment va, tout va. » Oui, mais le bâtiment est fortement soumis aux aléas de la conjoncture économique… Quelles sont les conséquences directes pour la carrière de la Kabylie ? Direction Voutré pour prendre le pouls avec Tomos Roberts, directeur délégué.
Elle est aux confins de la Sarthe et de la Mayenne, la carrière de Kabylie figure parmi les plus grands sites de France. Implantée en 1858, la carrière de Voutré est aujourd’hui exploitée par la société Carrières de l’Ouest, filliale du premier groupe indépendant français Basaltes.
« Nous sommes à la naissance du massif armoricain. Une particularité qui nous conduit à être l’un des gisements de roches dures les plus proche de Paris », explique Tomos Roberts, directeur délégué depuis trois ans.
30 % acheminés par voie ferrée
Les premiers coups de pioche, ils ont été donnés en vue de la construction de la ligne ferroviaire reliant Paris à Brest. « Les pierres servaient de ballast pour les voies de chemin de fer. » Une proximité ferroviaire avec la capitale, sur laquelle la société table encore aujourd’hui. « Cela fait près de 160 ans que nous contribuons au développement urbain de Paris. »
Le fret ferroviaire a indéniablement participé à l’essor de la carrière et continue d’être l’un de ses leviers. « Le transit par wagons représente 30 % de l’activité. » Depuis une quinzaine d’années, il a été développé sur les courtes distances : en direction du Mans cette fois, où se trouve une plateforme de distribution. Le reste de la marchandise est, lui, acheminé par camions, dans une logique de proximité. « Il s’agit majoritairement de commandes locales à cheval entre la Sarthe et la Mayenne. »
Sensibilisée par la crise
Tomos Roberts brosse le portrait d’une carrière qui a encore quelques décennies de gisement devant elle… En témoigne l’arrêté préfectoral qui conditionne l’exploitation du site : 2,6 millions de tonnes de granulats par an jusqu’en 2031. Seulement, « nous sommes bien en deçà de ce plafond sur la période 2015/2016 », livre sans détour le directeur. « Nous étions plus proches de ses chiffres sur 2013/2014. » La société pouvait alors se targuer d’avoir décroché le contrat LGV.
Si la crise a fait chuter les volumes depuis 2008, la carrière avait jusqu’alors toujours réussi à tirer son épingle du jeu. À l’aube de 2017, le carnet de commandes est incertain. « Toute la profession subit une baisse d’activité. » Et les chiffres de la carrière mayennaise sont sensiblement calqués sur ceux de la France. « La production en France était de 446 millions de tonnes en 2007. En 2016, elle n’est plus que de quelque 320 millions. » Soit moins 28 %.
Les réformes territoriales, la loi NOTRe, le manque de confiance ambiant… et peutêtre un manque de lisibilité politique, tout cela contribue à générer la situation que l’on connaît aujourd’hui. Les récents épisodes de grève de la SNCF sensibilisent d’autant plus l’activité de la carrière. « Cela nous perturbe énormément. Contrairement aux usagers, il n’y a pas de service minimum dans le fret. Nous devons composer avec ces mouvements sociaux depuis le début du mois de mai alors que nous sommes en pic d’activité. » Cela va-t-il déboucher sur une augmentation des tarifs ferroviaires ? « Forcément, nous nous posons la question. » De quoi préoccuper le gestionnaire qui doit faire face à ce cumul d’éléments impondérables.
« Il faut toujours être au plus efficace sur ce que l’on maîtrise. » Ce message, Tomos Roberts le répète inlassablement. Et indique en toute transparence : « Aujourd’hui, toute la problématique réside dans le fait qu’il n’y a pas de chantier d’envergure qui se profile. Même à court terme, nous ne savons pas ce qui est dans les cartons. Il n’y a pas de signes palpables d’un regain d’activité. »
Spécialisation dans le ballast
Pour contourner cette absence de visibilité et doper son savoir-faire, la carrière projette d’homologuer une partie de ses pierres. Une porte ouverte que la société compte bien concrétiser. « Nous étudions la possibilité de nous spécialiser dans le ballast, un matériau utilisé par la SNCF sur les voies de lignes TGV. » Reste à plancher sur le cahier des charges de ce granulat qui a un rôle d’amortisseur.
« Nous sommes soucieux de faire perdurer ce patrimoine industriel. L’usine est bien dimensionnée, et nous portons chaque année un effort d’investissement sur l’entretien de cet outil. » Et son accès direct aux voies ferrées lui laisse, un train d’avance.
Amélie Loho.
■EN CHIFFRES
> 300 ha. C’est la surface totale du site.
> Une cinquantaine. C’est le nombre de salariés qu’emploie la structure.
> 50. C’est le nombre de camions équivalent au chargement d’un train.
> 1500 tonnes. C’est la capacité de chargement d’un train en granulats.