Noëmie rend visite aux personnes âgées
Du haut de ses 21 ans, Noëmie fait office d’exception : elle rend visite à des personnes âgées bénévolement. Nous l’avons suivie chez Marie-Germaine, 92 ans. Rencontre.
Lundi 27 juin. 17h précises. Nous rejoignons Noëmie Gruau, son ordinateur sous le bras, sur le pas de la porte de Marie-Germaine Bourgoin. « C’est moi ! Tu vois on est à l’heure. » Le sourire vif, la maîtresse des lieux nous invite à entrer. Noëmie nous a devancées et s’empresse d’étreindre la nonagénaire. La visite est un peu particulière, en raison de notre présence, mais Marie-Germaine ne boude pas son plaisir d’interroger la jeune femme : « Alors, comment s’est déroulée la fête de la musique ? Tes patrons étaient contents ? » Noëmie, étudiante en BTS restauration hôtellerie au Mans a organisé la première fête de la musique de Mézangers, sur le site du Gué de Selle, le 21 juin dernier. « J’ai aperçu dans la presse qu’il y avait près de 400 personnes. Tu peux être fière de toi, c’était un coup de poker. » Regards entendus, les deux femmes commentent l’événement avec entrain. Difficile d’imaginer qu’elles ne se connaissaient pas, il y a tout juste six mois…
« Un manque s’était installé »
À 92 printemps, Marie-Germaine Bourgouin à la parole facile, le rire aussi. Il suffit de la lancer pour qu’elle se raconte. « Tout le monde me surnomme « Maimène » depuis que je suis gamine. » Celle qui est née à Evron-même et qui a été baptisée à la Basilique a commencé à travailler à l’âge de 14 ans. Dans le commerce d’abord. Elle sera de retour au pays à l’aube de ses 24 ans « pour suivre mon mari ». S’en suivront cinq enfants. 1974 marquera son entrée chez Socopa pour un remplacement. Quelques mois plus tard, elle est employée à la cantine, jusqu’à l’âge de la retraite. Syndiquée, « je défendais mon bifteck. Ils ont dû regretter de m’avoir embauchée ! » Et puis il y a cette maison, construite il y a 60 ans au milieu des champs de blés, qui aujourd’hui encore, fait la fierté de sa propriétaire. « Maimène a plein d’histoires à raconter, c’est quelqu’un qui a beaucoup oeuvré pour les autres. Elle a été, des années durant, membre actif du bureau d’aide social - l’organisme porte aujourd’hui le nom de CCAS - », glisse Noëmie. Et c’est bien là le point commun des deux femmes, que deux générations séparent : le souci des autres.
Leur rencontre tient en un nom : Don Camille Rey. Le curé de la paroisse Notre-Dame en Coëvrons. « J’ai perdu l’un de mes grands-pères en juillet dernier, l’autre en décembre », lâche à demimot la jeune femme. Avant de reprendre : « Un manque s’est installé, j’avais ce besoin de donner de mon temps. J’ai réfléchi à comment matérialiser cette envie. Venir en aide aux personnes âgées m’a semblé important. » La semaine suivante, Don Camille Rey lui présentait Marie-Germaine…
La vieille dame confie n’avoir eu aucune appréhension le premier jour où Noëmie a débarqué… et on la croit facilement. « Ma porte est ouverte aux gens qui le méritent. » Si elle ne mâche pas ses mots, Marie-Germaine admet apprécier une présence, autre que le téléphone. Noëmie fait désormais partie intégrante de son quotidien. « Mes enfants ont déménagé pour le travail ou après avoir rencontré leurs conjoints. J’ai aussi 9 petitsenfants. S’ils me téléphonent régulièrement, j’apprécie les visites de la petite. »
« Tu touches combien ? »
Que font-elles lorsqu’elles sont ensemble ? « On s’amuse et on rit », lâche Marie-Germaine, d’un naturel déconcertant. « Et on boit notre infusion, toujours avec une cuillère de miel ! », ajoute du tac au tac Noëmie. Bien au-delà de la simple visite de courtoisie, une complicité évidente lie les deux femmes. « Des fois je la conduis à la messe, ou on se balade autour du jardin. » Une question de bon sens pour Noëmie, qui a essuyé quelques déceptions en évoquant son engagement auprès de ses amis : « On ne comprend pas toujours ma démarche. Invariablement on me demande : tu touches combien ? » Un sujet bien loin des préoccupations de la jeune femme… Ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’adolescente déjà, Noémie donnait de son temps aux enfants défavorisés. Bénévole au sein de l’association la Boule d’Or, elle campait chaque mercredi midi dans la caravane bleue, alors installée à La Valaisière. Des valeurs de partage qui semblent imprégnées dans la famille Gruau…
« Alors, tu vas pouvoir nous montrer les photos de la Fête de la Musique ? », se souvient la nonagénaire, après une bonne demi-heure de conversation. On se décide à s’éclipser… « Au plaisir ! Vous savez, moi, j’ai toujours du temps », lance la vieille dame à travers le couloir.
Prochaine visite, dimanche. Noëmie partagera aussi un moment avec Camille, la seconde personne âgée qu’elle a rencontré grâce à Don Camille Rey. « Pour moi aujourd’hui, j’ai quatre grands-mères. »
Amélie Loho