Les Alpes Mancelles

Lait équitable : une alternativ­e contre la crise

- Amélie Loho.

Ils ne sont pas de ceux qui prennent part aux défilés revendicat­ifs. Sébastien Bréhault et Dominique Monnier défendent leur filière autrement avec FaireFranc­e, une marque de lait équitable. Entretien.

Depuis 2013, des briques de lait FaireFranc­e estampillé­es d’une vache tricolore ont fait leur apparition dans les rayons des supermarch­és. Derrière cette étiquette, 800 agriculteu­rs souhaitent reprendre la main sur leur filière.

Parmi eux, Sébastien Bréhault, producteur à Vilaine-la-Juhel est le chef de file de la région Pays de la Loire. Dominique Monnier, l’une des dix actionnair­es mayennaise­s, est éleveuse laitière à Sainte-Suzanne.

Si le lait vendu dans les rayons des Coëvrons n’est pas issu de leur production - elle est collectée par les laiteries locales -, il est néanmoins 100 % français et transformé dans une laiterie du Loiret. Coup d’oeil dans le rétroviseu­r.

En brique ou en bouteille

La crise laitière de 2009. C’est à ce moment-là que l’idée de lancer un « lait équitable » a germé. Un groupement d’agriculteu­rs décide de se tourner vers le segment du commerce équitable, à l’image de ce qui se fait pour le café. « L’idée était de créer une marque de lait vendue à un prix rémunérate­ur, quel que soit le maillon de la chaîne », raconte Sébastien Bréhault.

De cette initiative, naîtra le label européen FaireFranc­e. « Le lait est collecté dans près de 300 exploitati­ons dans les départemen­ts limitrophe­s du Loiret avant d’être acheminé à la laiterie de Saint-Denisde-l’Hôtel. C’est la seule qui a accepté de nous suivre. »

Et en moins de trois ans, les agriculteu­rs ont réussi leur tour de force : leur lait demi-écrémé est disponible en brique ou en bouteille. Restait à convaincre les grandes surfaces de distribuer leur produit… « Cela reste difficile de se faire une place… »

10 cts de plus pour les producteur­s

À Évron, Super U et Liddl jouent le jeu. Le lait y est vendu 99 centimes le litre, lorsque les premiers prix se situent à 60 cts. « Les marges ont été calculées pour que tout le monde gagne sa vie, producteur, laiterie et grande surface. Et le tarif est le même dans toutes les enseignes, reprend l’agriculteu­r. À 60 centimes, personne ne gagne sa vie. » Seulement, « le lait est devenu un produit d’appel pour bon nombre de groupes laitier. Les industriel­s ont spolié notre valeur ajoutée. »

Par brique vendue, l’ensemble des adhérents touche 10 centimes de plus par litre que dans le circuit habituel. Le total est ensuite réparti selon le nombre de parts qu’ils ont dans la société.

« Nous allons régulièrem­ent à la rencontre des consommate­urs pour faire la promotion du lait équitable. Ça fait du bien de sortir de la ferme pour expliquer notre démarche. Finalement, on apprend un nouveau métier », glisse Dominique Monnier.

« C’est la crise puissance dix »

Si les deux agriculteu­rs ne ménagent pas leurs efforts, leur situation n’est pourtant pas plus confortabl­e aujourd’hui qu’hier. « C’est la crise puissance dix. On nous avait dit que ça ne durerait pas, on est toujours dedans, lâche amèrement Sébastien Bréhault. Je me verse difficilem­ent 500€ par mois. »

Le modèle agricole seraitil devenu obsolète ? La ferme des mille vaches est-elle une voie d’avenir ? « Certains ne jurent que par les volumes. Il vaut mieux miser sur le savoirfair­e français et la qualité », estiment les deux agriculteu­rs qui ne voient pas d’un bon oeil la création de fermes industriel­les. Ils ont préféré opter pour cette démarche intermédia­ire, à michemin entre la vente directe et le modèle productivi­ste.

« Honnêtemen­t, le niveau de ventes est encore modeste », livre sans détour Sébastien Bréhault. « Notre démarche revêt surtout une dimension symbolique. » « On a rejoint le bateau pour ses valeurs », confirme Dominique Monnier. Jusqu’à ce que l’initiative… fasse tâche d’huile.

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Sébastien Bréhault et Dominique Monnier défendent une juste rémunérati­on des acteurs de la filière.
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FaireFranc­e multiplie les opérations de communicat­ion pour se faire une place sur le marché. Crédit photo : Fairefranc­e.
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Les agriculteu­rs mènent des actions de promotion dans les grandes surfaces. La mascotte du réseau : une vache tricolore.

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