A 53 ans, elle sort du silence
Abusée par son père pendant 25 ans
Gisèle, prénom d’emprunt, victime d’attouchements sexuels par son père, aurait vécu un véritable calvaire de 1975 à 2000. Elle témoigne pour aider d’autres victimes à sortir du silence.
Dépression et alcool
Il ne faut pas trop la secouer, elle est pleine de larmes et de colère. Gisèle a de quoi avoir la rage au point de sombrer dans la dépression avec ses multiples médicaments qui ne guérissent pas mais aident à anesthésier momentanément la douleur psychologique. « J’ai même sombré dans l’alcool », avouet-elle.
Gisèle, bientôt 53 ans, maman, d’un garçon, est née dans le Pays de Sillé. Selon ses dires, terribles à écouter, elle a vécu un véritable calvaire dans son cercle familial.
Un quart de siècle de calvaire
« Depuis l’âge de 11 ans jusqu’à mes 36 ans, j’ai été victime d’attouchements sexuels de la part de mon père, soit de 1975 à 2000 ». Elle se rappelle de cette toute première fois, « année où je suis entrée au collège ».
Le calvaire de la jeune fille se passait dans différents endroits. « Parfois c’était dans son lit, parfois dans son sous-sol ou dans la voiture ».
Lorsque c’était dans la chambre de son père, les attouchements se passaient le matin ou le soir. « Il lui est arrivé de me rejoindre dans la salle de bains pour me laver et me caresser partout. Il n’y a pas eu de pénétration car j’ai toujours refusé. Alors, il finissait en se masturbant. Au départ, il m’a entraînée dans cette galère en m’offrant des bonbons et plus tard, des vêtements. En fait, mon père avait une grande autorité sur nous (je suis l’aînée d’une fratrie de 3 frères et une soeur). Il était très influent. Le fait d’abuser de moi était presque devenu instinctif ».
Même en vacances, elle avait « ordre de coucher avec lui dans son lit ».
Sa mère allait alors dormir ailleurs selon Gisèle. « Quand j’ai raconté les agissements de mon père, ma mère m’a dit que j’étais une menteuse. En réalité, elle était soumise et trouvait ça normal ».
« J’étais sa chose »
La question de savoir si ce « père » avait le même comportement abusif avec ses frères et soeur se pose. « Je leur en ai parlé et ils disent tous qu’il ne leur a jamais rien fait ».
La deuxième question qui se pose est de savoir pourquoi Gisèle n’a-t-elle pas pu s’opposer fermement à son père une fois adulte.
« Il avait la main mise sur moi et j’avais peur de lui. J’ai essayé d’avoir des petits copains, mais il a tout fait pour que ça ne marche pas. Il se cachait même derrière la haie pour nous surveiller et écouter nos conversations. Même quand je sortais à l’époque dans la boîte ambulante, le Cyclope dans la région de Sillé, j’étais très surveillée… Il voulait me garder pour lui. J’étais sa chose.
À plus de 30 ans, je m’opposais beaucoup plus souvent à lui. J’ai vécu chez mes parents jusqu’à l’âge de 36 ans ».
Le soutien d’une collègue
Gisèle est sortie de son silence grâce au soutien d’une collègue de travail qui l’a conseillée de parler de tout ça pour tenter d’évacuer le poids de ces années trop lourdes à porter. « J’en ai parlé à mon médecin traitant et à mon kiné. Je me suis mariée depuis 2003. Depuis le début, il est au courant. Lors de mon mariage, seule une personne de ma famille est venue partager ce moment avec moi. Je suis celle qui gêne parce que je dévoile la vérité… »
« Les victimes doivent sortir de leur silence »
Le 23 mai, 2013, Gisèle a porté plainte pour « les agressions sexuelles et viols » qu’elle a subis de son père.
« D’après ce que j’ai compris, il y a prescription. Je tiens à témoigner pour dire à toutes les filles et femmes qui sont victimes d’attouchements sexuels et de viols de parler avant qu’il ne soit trop tard. Parlez de ces abus à votre entourage et n’hésitez pas à porter plainte. Les auteurs de ces faits très graves doivent être punis ».
Autre point qui inquiète Gisèle qui, malgré tout, n’a pas coupé le pont avec ses parents : son fils va toujours chez son grand-père. « J’en ai parlé à un pédopsychiatre. Il m’a conseillé de ne pas couper le pont entre mon fils et ses grandsparents pour son équilibre. Je suis complètement perdue. Je ne sais pas quoi faire. Je suis allée signaler mon désarroi à la gendarmerie ».
Gisèle annonce aussi qu’elle vient de savoir qu’elle a le cancer de la peau. Il y a des vies beaucoup plus compliquées que d’autres.