André Davoust, le petit garçon de ferme qui a réussi
Jusqu’aux années 2000, André Davoust a été le 1er employeur du territoire. Se sachant malade, il a tenu à fêter sa carrière avec ses anciens collaboreurs. C’était le 11 avril.
« Toi, à la fin de tes écoles, je te trouve une place d’ouvrier agricole en apprentissage ». A ce père « pas facile », on ne réplique pas. L’homme, qui est lui-même un ouvrier de Viviers-en-Charnie (NDLR aujourd’hui Torcé-Viviers), tient rigoureusement sa promesse. Dès le lendemain du certificat d’études, il place son aîné chez l’exploitant Maurice Cosson, à Viviers. André va y passer trois ans. Il travaille au moins 70 heures par semaine, d’abord contre un salaire de 30 francs par mois, nourri logé. « Je n’avais que mon dimanche après-midi ». La troisième année, c’est 70 francs par mois qu’il est payé.
Nous sommes en 1958. C’est l’année au terme de laquelle André décroche son brevet agricole. Il a 17 ans. « Je ne pouvais alors plus rester chez mon patron ». André lui aurait coûté trop cher.
Chef de Chantier
« Je t’ai trouvé une place dans l’entreprise de maçonnerie de Georges Quelquejay ». Le soir même de la réussite de son fils à l’examen, le père d’André décide encore pour lui, sans qu’il ait un seul mot à dire. André devient manoeuvre. Il le restera deux ans, jusqu’à son départ en Algérie. Il va y exercer son métier au lieu de faire la guerre, avant d’être mobilisé pour participer à l’évacuation des pieds noirs. Il redevient maçon. André s’applique et il gravit inexorablement les échelons de la profession. L’ « OS1 » passe OS2, OQ1, OQ2. Il finit par être chef de chantier. Il a désormais 26 ans et il est marié.
La rencontre
« Nous vivions à 1 500 mètres de chez mes parents. Ils ne m’embêtaient pas… ». Reste que cette proximité rappelle à André Davoust la tutelle de son père. Il est temps de s’émanciper. Il envisage de s’installer à Sainte-Suzanne. Parti en repérage avec son épouse, André croise Louis Morteveille. « Il était en propagande électorale pour prendre la mairie ». C’est donc tout logiquement que l’homme en campagne évoque ses projets. « Il m’a dit qu’il voulait développer le tourisme, sachant que le projet des VVF était déjà mis en place ».
Tournant
« Je n’ai que mes deux bras pour travailler… et pour acheter une maison ». En entendant André Davoust, revenu à Sainte-Suzanne, petite cité sous le charme de laquelle il est tombé, Louis Morteveille lui propose aussitôt, comme le Dr Jacques Bouëssel, de se porter caution à titre personnel pour son premier prêt bancaire. Engagement tenu. André juge toujours aujourd’hui que Louis Morteveille s’est alors comporté avec lui comme un « vrai père ». André Davoust peut investir une grande bâtisse au pied de l’église de Sainte-Suzanne. Il va y aménager six gîtes ruraux. « Pendant 18 mois, j’ai fait des journées de dix-sept heures et consacré tous mes week-ends à ce projet ». Reste que la récompense est au bout du chemin : André Davoust loue ses gîtes toutes les vacances et certains week-ends à des Parisiens. « J’ai eu trente à quarante personnes par semaine pendant sept ou huit ans ». Le temps du travail miséreux est révolu.
« En trois ans, j’ai récupéré tous les constructeurs des départements limitrophes ». Née le 1er septembre 1968, l’entreprise d’André Davoust, qui porte d’abord son nom, démarre son activité sur les chapeaux de roue. « J’ai rapidement créé BTP 2000 ». Il suffit à BTP 2000 de tourner « quatre ou cinq ans » pour que ses équipes réussissent à tenir le rythme de construire une maison par semaine. Une cadence qui ne va cesser de s’accélérer. « A la fin, c’était une maison par jour ». De sorte qu’en moins de 20 ans (19681986), André Davoust peut se targuer d’avoir édifié « plus de 5 000 maisons ». Il emploiera « jusqu’à 215 personnes ». En chemin, André Davoust a « fait l’acquisition des terrains et de l’entreprise de construction SOCOREN ». Il a aussi été maire de la commune, de 1977 à 1983.
80 collaborateurs réunis
« Je suis juste à l’origine de SOCOREN. C’est Marcel Thireau qui en a fait un empire ». Marcel Thireau est l’homme dont André Davoust était « incapable » de se séparer. Après Louis Morteveille, il a été la seconde rencontre déterminante de sa vie professionnelle. Celui qui lui a appris le métier, Georges Quelquejay, ainsi que Jean-Louis Berthé, actuel plus gros employeur de Sainte-Suzanne, occupent évidemment eux aussi une place énorme dans ce parcours-là.
C’est en pleine nuit, alors qu’il ne pouvait pas dormir, que celui qui a longtemps été le premier employeur du territoire a décidé de célébrer ce demi-siècle. Pour que la fête soit réussie, il lui fallait absolument revoir ses collaborateurs les plus proches. « Ils ont tous répondu présent ! ». Voilà comment 80 personnes se sont retrouvées même jour, même heure, à Sainte-Suzanne. « Cela a été une fête, vous ne pouvez pas savoir. Jamais je n’aurais pensé ça ».
« J’ai construit plus de 5 000 maisons »