Pourquoi Matthieu assume
Les ressorts du vote FN
Matthieu Demeulanaere totalise déjà 17 années de vote FN. Il jure qu’il ne votera jamais pour un autre parti. Rencontre.
« Je me suis encarté au FN à 20 ans. Même à cet âge, j’étais quelqu’un de conservateur. Je n’avais pas forcément envie de renverser la table ». Dans la famille de Matthieu Demeulanaere, on s’intéresse plutôt à la politique. Au moins quand on partage le déjeuner du dimanche. Les deux parents ont « voté Mitterrand » et ils en sont tous deux revenus. Par des chemins opposés. Si le père reste ancré à gauche au grand dam de son propre père chiraquien, la mère glisse à droite. Mais ils ont bel et bien en commun d’être devenus des déçus de 1981. Leur fils, lui, est « dégoûté » par les partis traditionnels. « Je les voyais se succéder sans que rien ne change. Je les trouvais vieillissants ». Le discours « du Front » le séduit. Surtout avec ses chapitres sur « l’insécurité et l’identité nationale ».
F comme fâcho
« Mon père n’a pas bien réagi du tout ». Le père de Matthieu se dit gêné dans son métier de responsable de secteur, d’autant que le nom de la famille, présente depuis 300 ans à Saint-Ouen-de-Mimbré, est repérable. Sans compter qu’il siège au conseil municipal. « Avec certains de mes copains, il y a eu de grosses discussions ». Si elles ne brisent pas les liens d’amitié, elles conduisent à des périodes de « froids ». Tant pis, Matthieu Demeulanaere se met immédiatement à militer. Avec l’arrivée au 2ème tour de la présidentielle de Jean-Marie Le Pen, ça devient « compliqué ». « Quand on collait des affiches, on se faisait traiter de fâchos. On nous chantait F comme fâcho, N comme nazi. Quand on tractait au marché des Jacobins, on se faisait cracher dessus. Une fois qu’on collait à Alençon -on s’était aventuré hors territoire? on a été pourchassé par des Afghans ». Le « creux que connaît le FN de 2004 à 2010 » remet Matthieu Demeulanaere à l’abri de l’opprobre.
Medias connivents
« Et puis il y a eu l’arrivée de Marine ». C’est par elle que l’essor du FN a vraiment commencé, selon Matthieu Demeulanaere. Déjà, il constate qu’ « elle plaît un peu plus que Jean-Marie »… et qu’elle séduit les medias. « Ils l’ont bien aidée à faire progresser le FN. Je pense d’ailleurs que Marine entretient de très, très bons rapports avec certains journalistes ». La suite, on la connaît : les scores du FN ne cessent de grimper, principalement en zone rurale. A Saint-Ouen-de-Mimbré, Marine Le Pen devance Emmanuel Macron au 2ème tour. Même Matthieu Demeulanaere n’en revient pas. Il a la preuve qu’il ne connaît pas tous les électeurs FN de son village. « Il y a 15 ans, le FN faisait 50 voix ; aujourd’hui, il en fait 250. Même si la commune a grossi… ».
Plafond de verre
« Les gens ont peut-être peur que je les séduise ». Si l’engagement FN de Matthieu Demeulanaere n’est plus un secret pour personne –d’autant qu’il a occupé la fonction de secrétaire départemental adjoint jusqu’au décès de Jean-François Legras, qu’il s’est présenté à plusieurs scrutins- on évite encore de lui en parler. Reste que sa liste « sans étiquette » fait « 24 ou 25% » aux municipales de 2014. Mais pourquoi n’a-t-il pas revendiqué son appartenance ? « Il est très compliqué, au niveau local, de monter des listes FN. Les gens ne veulent pas s’afficher car le Front est considéré comme un parti d’extrême-droite, xénophobe et raciste. Oui, sur ce plan, dans la Sarthe, le FN a du mal à percer ».
Gros doute
« Je n’ai pas compris. Au cours de ce débat avec Emmanuel Macron, Marine Le Pen n’a pas été digne d’un candidat de second tour ». Si Matthieu Demeulanaere jure qu’il ne votera jamais pour un autre parti que le FN parce qu’il « en a vu d’autres », la vulgarité dont son leader a fait montre l’a profondément déçu. Voilà d’ailleurs déjà un moment qu’il « évite la politique sur les réseaux sociaux car le FN y est devenu excessif ». En revanche, il goûte l’accueil courtois que les maires et « les services » (NDLR : la préfecture) réservent à son parti. « On ne nous claque plus la porte au nez. Plus ça va, mieux ça va ». Pourtant, s’il est très désireux d’être élu au niveau municipal, il pense devoir « lâcher un peu le parti pour se présenter divers droite ou sans étiquette ». A ses yeux, les gens sont « écoeurés de la politique ». S’ils sont très nombreux à voter FN parce qu’ils sont convaincus que « seul ce parti peut faire quelque chose », beaucoup de ces « déçus » votent encore blanc. « Pour les ramener au FN, ça reste compliqué ». Lui-même dit se laisser gagner par un gros doute. Avant de convenir qu’il « ne croit plus en la politique ».