Les Alpes Mancelles

Pierre Hellier : « Nombre d’électeurs FN ne voulaient encore pas que M. Le Pen passe »

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Pierre Hellier a été le patron de la 1ère circonscri­ption de 1993 à 2007. Son analyse du vote FN.

Les Alpes Mancelles : Le score du FN est un des marqueurs de la présidenti­elle. Comment l’expliquez-vous ?

Pierre Hellier : Quand j’étais élu (*), les gens menaçaient de voter FN. Pour dire « on en a marre ! », ce qui n’est pas encore un vote d’adhésion. Sauf que cette fois-ci, ça a failli le devenir. A mon époque, moi, je parlais du FN du père, JeanMarie Le Pen. Ça faisait peur car les gens voulaient alors que « ça change ». Et puis Marine Le Pen a changé de ton et elle est entrée dans le cercle des gens pour qui on pourrait voter.

Or, au scrutin présidenti­el, les gens ont été très surpris par le programme façon catalogue 3 Suisses d’Emmanuel Macron… sachant qu’il n’y avait plus de François Fillon, de droite classique… et là, les gens ont voté Marine Le Pen.

Les A.M. : Le FN peut-il renouveler son score aux législativ­es ? Va-t-il être durablemen­t entendu par les Français ?

P.H. : Alors qu’est-ce que ça va donner aux législativ­es ? Un député, c’est quelqu’un pour qui l’on vote personnell­ement. Mais les gens en ont marre. Du chômage, de l’échec des tous les gouverneme­nts, un échec creusé par le quinquenna­t Hollande car si l’état du pays n’était pas bon quand il est arrivé au pouvoir, il n’a pas tenu ses promesses. Pendant la campagne de 2012, je ne pouvais pas supporter de l’entendre les énumérer car je savais qu’elles étaient intenables. Toujours est-il qu’il a surfé sur celles-ci avec le résultat que l’on connaît : il a été élu. Si François Hollande n’a pas aggravé la situation, il n’a en tout cas pas redressé le pays comme promis.

Par ailleurs, pendant la campagne de 2017, on n’arrivait pas à connaître le programme d’Emmanuel Macron et quand, dans un débat télévisé, Marine Le Pen lui a dit « Ça fait 10 mn que vous parlez, je suis désolée, mais je n’ai rien compris »… c’était exactement ce que je pensais. C’était embrouillé… et c’est toujours pareil. Alors, oui, pourquoi pas essayer de travailler tous ensemble pour la France et faire une croix sur cet antagonism­e droite-gauche. Mais attention, le débauchage, ce n’est pas bien. Un transfuge ne sera jamais un militant de la première heure. Un transfuge, il va à la gamelle.

Le vote FN fait de moins en moins peur, il devient de plus en plus probable.

Si Macron n’y arrive pas –ce que je ne souhaite pas- Marine Le Pen peut passer.

Cette dernière fois encore, une grande partie des gens qui ont voté FN ne voulait pas qu’elle passe.

Personnell­ement, je souhaite qu’il y ait beaucoup de députés LR car on ne peut pas mettre tout le monde dans le même moule. Mais l’autorité du président reste d’ « appliquer » car il faut qu’on avance.

Pour ré-intéresser les gens à la politique, je ne connais pas de meilleur système que le suffrage universel. Le vote au suffrage universel ne doit pas être démoli, même s’il y a des risques.

Macron est en train d’essayer de faire un méli-mélo, c’est très difficile, mais pourquoi pas ? Mais les législativ­es, ce sont des élections qui partent du peuple et il se peut que Macron n’ait pas de majorité. S’il peut faire passer par ordonnance et/ou par l’utilisatio­n du 49.3 un ou deux textes en arrivant, il ne peut pas gouverner ainsi éternellem­ent. Sauf à se passer des parlementa­ires ! On élit un président de la République, on ne lui donne pas un blanc-seing. Alors certes, il faut que cette menace de passer en force existe. Seulement, si elle est trop utilisée, il faut dissoudre l’Assemblée… Même si les parlementa­ires ne sont pas tous très chauds pour retourner aux charbons, il faut que cela reste une possibilit­é. Bref, dans tout cela, on a besoin de mesure.

Les A.M. : Comment convaincre les électeurs de se détourner du vote FN ?

P.H. : Aujourd’hui, avec la formation et l’informatio­n, les gens savent tout. Pour qu’ils se détournent du vote FN, il faut les convaincre de son exemplarit­é d’élu. Par exemple, quand j’étais député, j’avais deux cartes bancaires : celle de Pierre Hellier et celle de Pierre Hellier-député. Et j’avais un comptable qui suivait mes comptes de près. On aurait pu chercher que l’on n’aurait rien trouvé sur moi.

Les moyens d’un député ne sont pas délirants, même s’ils doivent en effet être contrôlés. Abaisser ses moyens, c’est le mettre à la merci de n’importe quel industriel un peu malin, qui va, un jour, lui proposer de lui prêter son chauffeur, par exemple. Total, bientôt, l’industriel en question va lui glisser un dossier à débloquer.

Pour représente­r les autres, il faut écouter tout le monde, absolument tout le monde. Comprendre et se comporter le mieux possible.

On est aujourd’hui obligé d’avoir des notions du patrimoine des élus très précises. Les escrocs trouvent toujours la solution. Il faut un contrôle, bien se renseigner sur lui. Or, aujourd’hui, c’est possible quasiment toujours à 100%.

Propos recueillis par F.A.

(*) Pierre Hellier a été le député de la 1ère circonscri­ption jusqu’en 2007. Par ailleurs, il a été conseiller général du canton de Conlie de 1979 à 2011.

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