Mérouane Benhamed, l’hôte encombrant d’Evron, va être jugé
Mérouane Benhamed avait fui Evron, où il était assigné à résidence depuis 9 mois. Il sera jugé mardi 27 juin 2017, à Laval. Le maire se souvient de son séjour.
« Le 18 décembre 2015, j’ai reçu un appel du préfet ». Le représentant de l’Etat en Mayenne est laconique avec le maire Joël Balandraud. Un exmembre du Groupement islamiste armé (GIA) va arriver dans sa ville à 15h30 le jour même, il sera logé à l’hôtel « dans les conditions d’assignation à résidence ». Point. L’avis du premier magistrat n’est pas requis. Il n’a pas non plus la charge de participer à l’installation de cet hôte obligé. « On n’avait aucune possibilité d’action ». Mérouane Benhamed déboule finalement, à Evron, à 18h30.
Extradition impossible
En 1999, cet Algérien a écopé de 10 ans de prison, après avoir été reconnu coupable d’avoir contribué à la préparation d’attentats à Paris. La Cour européenne des Droits de l’Homme s’est opposée à son extradition à sa libération, en 2011. En effet, la justice algérienne a, de son côté, prononcé la peine capitale à son encontre. L’Etat français « promène » donc Mérouane Benhamed de département en département, où il vit toujours sous le régime de l’assignation à résidence.
Inquiétude à Evron
« M. Benhamed est donc arrivé en plein marché de Noël. Ça tombait bien… ». Joël Balandraud arpente ses allées « pour expliquer » la situation à ses administrés. « Il ne s’agissait pas d’un repenti, en plus ! ». Comme c’était à prévoir, les Evronnais lui font savoir leur inquiétude. L’attentat au stade de France a eu lieu un mois plus tôt. « La population était encore sous le coup de l’émotion ». Et ce n’est pas l’approche de la commémoration du premier anniversaire du massacre de la rédaction de Charlie Hebdo qui va la faire retomber.
Ennemi de la République
Mérouane Benhamed change une fois d’hôtel, avant d’être redirigé autour de la fin juillet vers un appartement privé, faute qu’un bail ait pu être signé dans un autre hôtel. « Son logement était très modeste, il a encore dû moins supporter son assignation à résidence ». Joël Balandraud apprend d’ailleurs que l’homme se plaint. Il l’apprend par la bande car il tient à « ne jamais avoir de contact » avec lui. « Je n’avais pas de curiosité pour quelqu’un qui vomit la République ».
Quotidien tendu
L’ambiance s’est crispée dans la cité. Quatre fois par jour, un « islamiste radical non repenti » emprunte la route des Prés pour aller pointer à la gendarmerie. « Il lui fait faire du chiffre d’affaires ! ». Rue de la Fontaine, l’homme s’installe en terrasse, « à l’aise ». D’autant plus « à l’aise », selon Joël Balandraud, que celui-ci « n’a rien à faire ». Reste que jusqu’à présent, aucun incident n’est à signaler. Pourtant, la tension va encore monter d’un cran. Quand l’homme assigné à résidence va « dévisser ».
Cocotte-minute
« Son emménagement dans le petit appartement l’a énervé. Il s’est beaucoup plaint à la gendarmerie ». Fin août 2016, « des barbus » font leur apparition dans Evron. Ils sont accompagnés de femmes voilées. Joël Balandraud « remonte » tout ce que lui disent ses administrés « directement au préfet et au capitaine de gendarmerie ». Evron « monte en pression ». Un mois et demi plus tard, le 8 septembre, Mérouane Benhamed se volatilise. Il sera arrêté en Suisse au mois de mars.
Un an à s’expliquer
« Il y avait un risque d’échauffourées car cet exGIA faisait peur aux gens ». Joël Balandraud ne cache pas qu’il a mal vécu l’atmosphère qui a régné à Evron 9 mois durant. Les « explications » du marché de Noël 2015, il a donc fallu les reprendre pendant presque une année pleine. Evron avait été choisi pour « accueillir » l’islamiste radical algérien car « il y avait un risque atténué de prosélytisme ». En effet, le préfet s’était fondé sur les deux critères qui valent pour le mesurer : « l’absence de mosquée et une gendarmerie solide ».
Etripage
« L’Etat le traite comme un chien, il a bien fait de se barrer ». Le citoyen évronnais qui prononce ces mots est aussitôt insulté par un autre. Joël Balandraud est meurtri de voir maintenant la population s’entre-déchirer sur un sujet « qui ne mérite pas de débat ». Avec la fuite de Mérouane Benhamed, au moins le climat de psychose a-t-il fini par retomber.
Reste donc, chez le maire, un goût amer, renforcé par le fait que la situation était « ubuesque » : « Mérouane Benhamed était à la fois assigné à résidence… et interdit de territoire ! ».