Les Alpes Mancelles

Antoine 23 ans : passion croque-mort

A 23 ans, Antoine a voulu devenir assistant funéraire. C’est un deuil qui l’a décidé à oublier son métier de pâtissier. Et il ne regrette rien.

- F.A.

« Je voulais devenir pâtissier ». Alors Antoine Rouzière, il a décroché son CAP. Sauf que les choses ont commencé à se gâter. Pas moyen de trouver une boulangeri­e qui l’embauche. C’est dans un supermarch­é qu’il atterrit à la place, et autant pour confection­ner des gâteaux que pour effectuer de la mise en rayons. Ah. Antoine commence à douter de sa vocation.

Déclic

« Le funéraire, ça me trottait dans la tête ». En perdant ses grands-parents, Antoine observe avec attention les gens dont le métier est d’organiser le douloureux moment des obsèques. Il a 23 ans. Il a du chagrin. Il ne se plaît pas dans son environnem­ent profession­nel. Il se souvient du ballet de l’enterremen­t de ses proches. Voilà assez de motifs pour tout plaquer et entamer une formation d’assistant funéraire. Après avoir suivi un enseigneme­nt théorique à Nantes, il fait un stage pratique de 10 jours à Laval.

Dispositio­ns

« J’ai mis six mois à trouver du travail ». Diplômé en mai 2016, Antoine est embauché le 1er décembre suivant. Au regard de son absence totale d’expérience, on lui confie un poste de préparateu­r de cercueil. Antoine doit également assurer le transport de corps, la marche en convois et la présentati­on des défunts. Le jeune homme apprend vite. A l’été 2017, il devient assistant funéraire dans une entreprise implantée à Sillé, à Evron et à Loué.

Le poids des mots

« C’est un métier qui endurcit le caractère. On apprend

à gérer ses émotions ». Des avantages à son métier, Antoine en trouve des tas. Il a globalemen­t l’impression que celui-ci

« discipline tout ». Il y a parfois un merci des familles. « C’est

gratifiant ». Et puis Antoine juge qu’il « parle mieux ». Dans ses échanges avec des parents endeuillés, chaque mot est pesé.

Pas simple

« J’ai arrêté de dramatiser

les choses ». Ne comptez pas sur Antoine pour se prendre le chou quand sa voiture tombe en panne. Ou plutôt, ne comptez plus. « Avant d’exercer mon

métier, j’avais plus tendance

à m’énerver… ». Reste qu’il arrive, même si c’est rare, que des débuts d’amitié soient brisés quand Antoine dit qu’il est assistant funéraire. « Ça jette

un froid ». Dans le meilleur des cas – les plus nombreux- c’est de la « curiosité » qu’on lui manifeste.

Comprendre le métier

« Quelqu’un qui travaille dans le funéraire et qui n’a jamais perdu personne, c’est

plus compliqué ». Toutes les formations du monde ne suffiraien­t pas à comprendre le métier, sans expérience sensible, en somme. En revanche, Antoine jure que la mort ne lui a « jamais

fait peur ». Non, quand elle lui a ravi des parents, c’est une infinie tristesse qu’il a éprouvée. Mais il préfère « voir partir » quand la souffrance se mêle de saccager les derniers instants.

Anticiper

« Antoine a vachement mûri car il a compris que nous sommes au service des gens, qu’il ne faut surtout pas les juger ». Sans le dire, le collègue François Margas aide le petit nouveau à anticiper des situations délicates, en lui en touchant deux mots. Antoine sait qu’il peut s’attendre à ce que des enfants se jettent sur le corps de leur mère pour la décoiffer, que des endeuillés peuvent entamer une danse bretonne autour d’un caveau, qu’ils peuvent exiger que le défunt soit habillé en survêtemen­t rose… « Le plus difficile, c’est quand les familles ne s’entendent pas. Il arrive alors qu’elles se battent dans le magasin ou à la sortie de l’église ». Antoine écoute attentivem­ent, sans broncher.

Sur les morts

« J’ai trouvé ma voie.

J’aime mon métier ». Et puis Antoine a dans l’idée qu’il a fait le plus dur. En effet, alors qu’il travaillai­t depuis seulement trois jours, il a eu à préparer la cérémonie d’obsèques d’une personne de son âge. « J’ai tenu le coup. Il ne faut pas pleurer devant les familles, c’est moyen ». Aujourd’hui, la sérénité du jeune homme est remarquabl­e. « Je n’ai pas peur de la compagnie des morts. Les morts ne peuvent pas nous faire du mal. Les vivants, si ».

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