Les Alpes Mancelles

Caroline : « Jamais sans Imae »

- F.A.

« Imae m’a direct canalisée, direct apaisée et je suis rentrée dans ma bulle avec lui ». Imae est un grand Golden Retriever et Caroline ne voulait surtout pas de chien pour lui adoucir le quotidien. Mais ça, c’était avant. Avant qu’elle accompliss­e un long chemin pour comprendre en quoi il pouvait au moins lui être utile. Ou bien plutôt avant qu’elle s’autorise à penser qu’elle avait le droit qu’on l’aide. Une fois – longtemps après qu’on ait cherché à la convaincre- qu’elle a vu Imae, elle n’a plus manifesté aucune résistance. Cela fera deux ans le 19 décembre prochain. Aujourd’hui, la jeune fille est incapable d’imaginer la vie sans lui.

Rencontre

« J’avais vu des reportages à la télé… ». Sauf que, pour Caroline, un chien qui aide une personne en situation de handicap, ce n’est pas un sujet. Et le retourneme­nt d’opinion n’est pas pour demain. Déjà parce que la jeune fille n’est pas du genre tout à trac. Ses choix, elle les pèse tous… et seule. Merci pour les conseils mais c’est moi qui suis en fauteuil. Pourtant, son armure se fendille à Aigné, au Téléthon 2014, quand elle croise Marie. Marie est « famille d’accueil » pour l’associatio­n Handi’Chiens. Autrement dit, elle élève des chiots de 2 mois jusqu’à ce qu’ils attrapent 18 mois. Charge à elle de les éduquer pour qu’ils sachent donner un coup de main. Charge à elle, alors, de concéder à s’en séparer.

Double « coup de coeur »

« Handi’Chiens, c’est l’éducation à la friandise, à la récompense, pas question de coup de journal ». Maintenant, les conviction­s de Caroline vacillent. A Aigné, Marie doit faire une démonstrat­ion des prouesses dont le Retriever à poils courts Ignace qu’elle élève est capable. Caroline veut bien participer. Ignace lui ouvre un placard, Ignace lui fait un câlin… Tout cela est bien plus que assis-couché-debout, bien plus. « J’ai eu un coup de coeur énorme pour Marie et pour Ignace ». Le public est scotché par la débrouilla­rdise d’Ignace, par son sens de l’anticipati­on. Reste que Caroline, elle aussi conquise, campe sur ses positions. « Je continuais à me dire que ce n’était pas pour moi, que d’autres avaient plus besoin du secours d’Ignace… Et puis, avoir un tel compagnon restait pour moi un rêve inaccessib­le… ».

Chien unique

« J’ai rempli ma demande d’un chien fin février 2015. En une nuit, j’ai ficelé un dossier de 40 pages ». Il a fallu que Caroline accompagne Marie à ses cours d’éducation canine et que toutes les familles d’accueil poussent massivemen­t à la roue. Si, Caroline, si, toi aussi, tu as le droit qu’on te seconde. Caroline réalise que chacun des chiens auxquels ces familles d’accueil apprennent à donner un coup de main ne sont pas faits pour venir en soutien de tous les types de handicap. Que si elle demande un chien, il saura exactement ce dont elle a besoin, sans jamais lui-même exiger d’elle plus de gestes que ceux qu’elle est en mesure d’assumer, qu’il saura deviner toutes ses fragilités.

Un stage « hyper dur »

« Une interminab­le attente a commencé… ». Caroline expédie mail sur mail - « trop, c’est sûr »- à Handi’Chiens pour dire son impatience. Elle juge aujourd’hui qu’elle en a « trop envoyés ». Que cette fébrilité aurait pu lui jouer un tour. « Et un jour de novembre, j’ai reçu un appel téléphoniq­ue. On me demandait si j’étais disponible pour rencontrer la directrice d’Handi’Chiens ». Les choses s’accélèrent. Quinze jours plus tard, Caroline est invitée à suivre un stage de deux semaines. Il s’agit de tester ses capacités à bénéficier de l’aide d’un chien. « C’est hyper dur, ce stage, il faut avoir bon à tous les contrôles ».

52 commandes

« Pendant ce stage, on nous présente systématiq­uement deux chiens ». A Caroline de trancher. Or, entre le labrador noir Isia et la jeune fille, le courant ne passe pas. « Quand je la caressais, elle partait à l’autre bout de la pièce ! ». Apparaît ensuite sur le seuil de la porte Imae. « Quand il est arrivé, oh la la ! ». Le haut Golden retriever touche Caroline en plein coeur. Et dans ce cas, il n’y a rien à expliquer. Caroline est retournée. Imae connaît 52 « commandes ». C’est-à-dire qu’il est à même de ramasser son téléphone qu’elle a fait tomber, de lui ôter son manteau, ses chaussures – en faisant la distinctio­n entre ses tongs et ses Converse- ses chaussette­s, ses pantalons… « Me déshabille­r, c’est une des commandes qui me change le plus la vie ! ».

« Au taquet »

« Imae sent quand je suis fatiguée. Il m’aide sans que j’aie à le lui demander ». Aujourd’hui, Caroline finit la première journée de son stage pratique de BAFA, qu’elle a passée en compagnie de 48 enfants. Imae était bien sûr à ses côtés. Imae qu’au passage, il a fallu qu’elle leur interdise de caresser « pour empêcher qu’il devienne tout foufou ». Il est toujours là, ce soir qu’elle est complèteme­nt épuisée. Caroline a laissé son téléphone mobile sur la table basse du salon. Depuis, elle s’est allongée et l’objet est devenu inaccessib­le. Caroline n’a rien vu. Imae, si. Il prend délicateme­nt le mobile dans la gueule et vient le lui poser dans les mains. Caroline éclate de rire. « Imae est au taquet ! »

Ange gardien

« Je parle à Imae. C’est lui qui en sait le plus sur moi… ». Imae marque Caroline à la culotte. Jour et nuit, il est prêt à flairer la situation qui la mettrait en péril. Ce n’est rien de dire que sa présence la rassure. Ce sont les chutes que la jeune fille redoute. Si elle venait à tomber, Imae se mettrait à aboyer. Il est devenu son ombre bienveilla­nte. « Il m’a changé la vie ». Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, Imae a surgi peu après que Caroline intègre l’associatio­n La Marsalette que Bruno Roblot a fondée. Ses participat­ions aux marathons de Toulouse, de Tours et à celui Médoc ont elles aussi « bouleversé sa vie ». Voilà deux ans que le quotidien est moins rude. Il était temps car la maladie, elle, ne faiblit pas. Ses jambes en particulie­r, ses jambes, il lui arrive « d’avoir envie qu’on les lui coupe tant elles lui font mal ». Ce soir, Caroline souffre même pour parler. « Eh oui, la langue est aussi un muscle… ». Caroline pose sa main sur la tête d’Imae. Et elle sourit.

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