Les Alpes Mancelles

La justice le coince 2 ans en Thaïlande

René Régnault habite Vivoin, où il a tenu l’épicerie bar de 2002 à 2005. Il rentre de Thaïlande, où la justice a mis 2 ans à reconnaîtr­e qu’il était innocent des faits qu’on lui reprochait.

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« J’aurai tout le temps des traces dans ma tête » . René Régnault a beau, depuis samedi 11 novembre, être définitive­ment tiré de la sale affaire dans laquelle il a été empêtré pendant deux bonnes années, il sait qu’il devra désormais composer avec son encombrant souvenir. Quelque chose a irrémédiab­lement changé chez lui, à l’intérieur. S’il jure que rien n’est cassé, il ne voit pas non plus maintenant comment avancer autrement qu’en prenant le temps d’écrire un livre. Non seulement il a besoin qu’on se rende compte de ce qu’il a enduré, mais, surtout, il veut que sa malheureus­e expérience serve à tous.

Le temps du bonheur

« C’était la 16ème fois que je me rendais en Thaïlande » . René part le 1er septembre 2015 de Vivoin. Comme à son habitude, il va chercher « la sérénité, le climat, les plages, les temples » . Celui qui est devenu le patron du bar de nuit du Mans WSM, situé rue des Ponts-neufs, ne se fait pas à l’univers de son métier. « Les bars, les discothèqu­es, j’ai horreur de ça » . Après avoir, le 2 septembre, posé ses bagages à l’hôtel, il va changer de l’argent pour louer une moto. Ce sont trois semaines de vacances qui commencent. « Je hume la Thaïlande » . Le guichetier le tire de sa rêverie. Peut-il avoir son passeport ? Peut-il le prendre en photo ? « Je n’en pense rien, je suis content d’être là. Il fait 32°C à l’ombre… » .

Le temps se gâte

« Vous n’avez pas de famille avec vous ? » . Deux policiers viennent d’arriver dans le bureau de change. Non, René est seul et il le dit. Il a l’impression que ses interlocut­eurs comprennen­t bien cette solitude… Ils l’emmènent au poste de police le plus proche. C’est maintenant une voiture qui déboule. Direction l’hôtel pour une perquisiti­on. « Vous avez présenté de la fausse monnaie au bureau de change ! » . Tout ce chahut n’alarme toujours pas René. Il étale l’argent liquide qu’il a emmené avec lui, soit environ 1 500€ qu’il s’est octroyé comme salaire avant son départ. Les policiers photograph­ient les billets. René est embarqué dans une voiture de police. Les billets et son passeport voyagent dans une autre. Cap sur la banque pour vérifier que son argent n’est pas falsifié. Sur place, il faut attendre la voiture qui le transporte : manifestem­ent, elle n’a pas soutenu le rythme de la course.

Coup de bambou

« Six billets sont faux… » . René est emmené au « grand poste de police » de Patong. Réalisant enfin que l’ambiance tourne au vinaigre, René est assisté d’une traductric­e et l’ambassade de France, qu’il a été autorisé à contacter, lui a permis de s’adjoindre les services d’un avocat… avec lequel il est impossible de parler car il ne parle pas l’anglais. « L’officier qui m’auditionne me demande l’équivalent de 500 € pour retirer 5 billets. En en laissant un seul, il m’explique que je ne risquerai plus rien » . René s’apprête à payer. La traductric­e s’interpose : il n’a pas compris, c’est l’équivalent de… 5 000 € que le policier réclame. Cette fois, René refuse. Le ton monte sacrément. Pour éviter d’être menotté, le Sarthois est prié de « redescendr­e d’un cran » . Il appelle l’ambassade de France. « Vous allez prendre 10 ans… » . L’échange s’arrête là. René signe le rapport de l’officier, sans savoir un mot de qui y figure.

Case prison

« Bienvenue en enfer » . Voilà comment l’accueillen­t trois Français à la prison de Phuket où René est transféré. Il rejoint une pièce de 150m2 où 400 détenus sont entassés. « Nous dormons à même le sol, en quinconce, sous des néons. Je ne vous explique pas la chaleur… Toutes les demi-heures, un gong retentit pour que nous ne puissions définitive­ment pas dormir » . Ici, il n’y a aucun endroit pour s’isoler. La douche se prend en trois minutes au son du sifflet. Les gardiens font l’appel trois fois par jour. « Nous restons alors assis sous le soleil pendant deux heures dans la cour principale, le temps qu’ils finissent de compter » . René fait valoir qu’il a 60 ans et il est vite autorisé à rester debout et à disposer du temps nécessaire à une toilette moins approximat­ive. Au bout de 4 nuits et 5 jours, sa traductric­e a réuni l’argent d’une caution auprès de son ex-compagne. Montant : 4 000 €. René est libéré le 8 septembre, brisé.

Facture

« La traductric­e me rend mon sac à dos. Les 450 € qui s’y trouvaient se sont envolés » . L’argent aurait servi à régler les honoraires de l’avocat du Sarthois. « Il va y avoir un procès » . En attendant, René est soumis à un contrôle judiciaire. « Je me mets à vivre à l’hôtel et je paie un nouvel avocat qui me coûte un blinde » . Mais au moins celui-ci a-t-il un bureau. « La première chose dont on parle en Thaïlande, c’est d’argent » . Chaque fois que René fait traduire une page de son dossier judiciaire, il s’acquitte de l’équivalent de 25 €. Il lui reste à la faire tamponner par le consulat… qui lui réclame 25 € à son tour.

Dévissage

« J’erre toute la journée » . La perspectiv­e du procès mine René, qui, de la plage à une grande surface, ne peut se concentrer sur rien. « A cette époque, il est pénible. Il ne veut rien faire » . Son ami Philippe Debray a eu beau faire le voyage spécialeme­nt pour lui, René ne s’extirpe pas du désespoir dans lequel il a sombré. Ses seuls moments de réconfort, il les trouve dans les temples. Il y formule souvent des voeux avec sa compagne thaïlandai­se Pet, qui le porte à bout de bras.

Euphorie de courte durée

« Je suis hanté par la prison » . Un an s’est écoulé et le procès va s’ouvrir. « J’envisage de m’enfuir de Thaïlande… avant d’y renoncer Pet aurait fini en prison. De plus, je suis innocent donc je n’ai pas à déserter » . Le 16 novembre 2016, le verdict tombe : René est reconnu non coupable. C’est l’euphorie. Il sera pour Noël auprès de sa fille Kathleen. « En principe, le procureur ne fera pas appel » . C’est le pari de son avocat. En Thaïlande, le parquet peut réclamer un deuxième procès pendant… les six mois qui suivent le premier. Celui-ci attend… avril pour le faire. Cette fois, c’est un juge unique qui va statuer. René n’est pas sorti de la machine à broyer.

L’heure des comptes

« Le jugement dit que la police s’est embrouillé­e lors du premier procès, que je n’ai pas commis de bêtise et que je vais récupérer mon passeport » . Le 18 octobre 2017, l’affaire de René est définitive­ment classée. Il rentre en France le 11 novembre. Mais le lien qui l’unit au territoire est « cassé » . Loin de lui l’idée de régler des comptes… mais rien ne lui empêche de les faire. Il n’y a eu que l’ex député de la 1ère circonscri­ption, Françoise Dubois, pour l’aider, « même si cette aide man- quait un peu de concrétude » . Son ami Philippe, lui, est amer car il a adressé des messages à d’autres élus, qui sont restés sans réponse. Il en veut davantage à Stéphane Le Foll parce qu’il était alors « le bras droit de François Hollande » , qu’à Jean-Claude Boulard, Marlène Schiappa, Christophe Rouillon et Damien Pichereau. « Je ne leur demandais pas forcément de se mobiliser, mais de s’intéresser à la situation de René » . Il s’en veut aussi, Philippe. « On n’a pas joué sur le fait que René était de Vivoin » . Sur le territoire de la Haute Sarthe, il pense aujourd’hui qu’il aurait pu trouver des soutiens. René l’écoute distraitem­ent. En janvier prochain, il repart vivre… en Thaïlande.

« Je n’ai aucune agressivit­é pour le pays. Je suis tombé dans la période la plus creuse de l’année pour le tourisme. Alors ils m’ont fait traîner… » . Surtout, il rejoint celle qu’il aime. Et puis il a besoin d’aller à la prison de Pukhet « pour aider les Français qui y sont retenus » . Il va leur apporter de l’argent. Parce que c’est le seul moyen d’y survivre.

F.A.

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Le lien avec la France est « cassé » : René rejoint la Thaïlande dès janvier.
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René Régnault a trouvé du réconfort dans les temples où il formulait des voeux.

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