Les Alpes Mancelles

Le député Pichereau dit pourquoi

Trop de camions en Sarthe

- F.A.

« Je voudrais voir des transporte­urs français… et même sarthois sur un Nantes-Fresnay-sur-Sarthe par exemple ». Le député LREM de la 1ère circonscri­ption de la Sarthe Damien Pichereau ne désespère pas que son rêve finisse par se réaliser, même s’il est conscient du chemin qu’il reste à accomplir. Précisémen­t, il s’y est déjà engagé. Le ministre des Transports Elisabeth Borne, peut-être mis au courant de sa passion pour le champ de sa compétence, lui a en effet confié « une mission ». Celle-ci comporte « 2 volets » : le premier, « européen », consiste à « revoir, avec le paquet mobilité, la concurrenc­e entre les transporte­urs des Etats membres » ; le second, à « étudier le cas du e-commerce et de la livraison à domicile ».

Le plein de camions sur les routes secondaire­s de la Sarthe

Il n’échappe pas aux Sarthois que leurs trajets quotidiens domicile-travail sont compliqués par la présence de nombreux véhicules de grandes dimensions (voir encadré). En clair, il y a plein de camions, et c’est ce qui préoccupe le député Pichereau. Cependant, il invite à distinguer, dans tous ces gros gabarits, les véhicules utilitaire­s légers (VUL) et les poids-lourds, avant de lister les motifs qui amènent, dans chacune des 2 catégories, leurs chauffeurs à encombrer les routes secondaire­s de la Sarthe, terre identifiée comme « un carrefour autoroutie­r ».

Echapper aux contrôles

« Le problème pour les VUL, c’est que la plupart des transporte­urs étrangers (dans les pays de l’Est, en Espagne, au Portugal…) acceptent de pratiquer des coûts de transport très bas ». Ils peuvent se le permettre car « leurs chauffeurs sont payés entre 2 et 3 fois moins cher que leurs homologues français ». Damien Pichereau cite alors l’exemple des chauffeurs bulgares, illustrant. « En plus, ils quittent prématurém­ent l’autoroute… ou bien ils ne l’empruntent pas ». Là, il faut savoir que les VUL -utilisés à la fois par les artisans, les particulie­rs et les entreprise­s de transport de marchandis­es, « du colis à la palette », pour le compte d’autrui- ont une charge autorisée de 3,5t. Leurs chauffeurs évitent donc l’autoroute « car ils savent qu’il y a moins de contrôles sur les routes secondaire­s… et que, généraleme­nt, ils roulent en surcharge ». Et de donner la mesure de ces écarts à la réglementa­tion. « Ça monte jusqu’à 6 ou 7 tonnes… au lieu des 3,5 tonnes autorisées ». Par ailleurs, être soumis à un contrôle gloutonne du temps : 45 mn à 1h pour un VUL (contre 1h à 1h30 pour un poids-lourd).

Temps de conduite libre

« Si, avec un VUL, on respecte les mêmes règles que celles qui s’appliquent aux poids-lourds, on est forcément plus cher ». Sauf que, « sur la partie sociale, il n’y a rien au niveau européen pour dire le règlement ». En outre, le député de la 1ère circonscri­ption pointe « l’absence de système de contrôle du temps de conduite » : les VUL ne sont pas équipés de chronotach­ygraphes, l’équivalent actuel des disques.

3 jours cruciaux

« Si le salarié roumain passe la frontière, il doit être payé au même niveau que ses homologues français ». Sauf que la volonté de Damien Pichereau et du gouverneme­nt d’Edouard Philippe se voit encore opposer un refus de la commission européenne. Celle-ci dit que la loi, c’est de laisser un délai de 3 jours pour l’applicatio­n de cette harmonisat­ion. « Sauf qu’en 3 jours, on a le temps de circuler ! ».

« 90 h hebdomadai­res »

« Mon premier objectif, c’est de faire rentrer au maximum les VUL dans le paquet mobilité ». Autrement dit, Damien Pichereau cherche à ce que les VUL soient soumis en majeure partie aux règles qui encadrent les poids-lourds. A l’invocation des exigences économique­s, il ajoute celle des exigences sociales. « Il y a des chauffeurs qui font 90 h hebdomadai­res ! Comme ils travaillen­t souvent en duos, chacun dort sur son siège à tour de rôle. Ils mangent mal : leurs menus, ce sont des boîtes de conserve… ». Et, pour tout couronner, « ils restent 3 ou 4 mois sans rentrer chez eux ». Verdict ulcéré du député de la 1ère : « On ne peut plus accepter ça ! ».

Le Mans sur la voie de la congestion

« La politique, c’est anticiper ». Sentence que Damien Pichereau juge utile de rappeler pour aborder le 2ème volet de sa mission. « Le commerce en ligne, problème typiquemen­t urbain et encore surtout parisien, devrait être multiplié par 3 d’ici à 2025 ». Déjà, il y a actuelleme­nt 1 million de colis qui circulent sur les routes de France. A l’origine de cette situation qui prend de l’ampleur : « les gens qui veulent tout, tout de suite ». Ce qu’on était en mesure d’attendre dans un délai d’un jour, on l’exige désormais dans l’heure. « Mais le VUL ne peut pas être plein, donc on constate plus de congestion des voies de circulatio­n et plus de pollution ». Le député Pichereau est convaincu qu’il va suffire de quelques années pour que ces observatio­ns faites à Paris s’effectuent aussi au Mans.

90 % du trafic de messagerie fait par des auto-entreprene­urs

« Les villes n’ont pas été prévues pour accueillir autant de véhicules ». Voilà pour le premier blocage, qu’il faut lever. La tâche est, selon M. Pichereau, d’autant plus urgente à mener, que « 90 % des transporte­urs et donc des chauffeurs français sont des auto-entreprene­urs ». Ce statut est le révélateur de situations profession­nelles mal assises, qui induisent des comporteme­nts préjudicia­bles à la collectivi­té. « Ces auto-entreprene­urs acceptent des tarifs de transport très, très faibles, ils ne respectent pas trop le Code de la route, ils entretienn­ent mal leur VUL, qui sont de surcroît vieux et donc très polluants ».

Messagerie : une concurrenc­e « déséquilib­rée »

« Il faut réfléchir à la logistique urbaine. En effet, moi qui suis un rural, je trouve qu’Amazon, c’est formidable : se faire livrer en campagne, c’est un plus ». Damien Pichereau « préfère » ainsi qu’ « un camion aille à Sillé-le-Guillaume livrer 10 personnes, plutôt que ces 10 personnes aillent, chacune à son tour, au Mans ». Toutefois, faroucheme­nt opposé à « l’écologie punitive », le député veut encourager les mesures « incitative­s ». En planchant sur ce 2ème volet de sa mission, il convient être revenu de l’idée qui veut que les grosses sociétés soient les moins vertueuses. « Au contraire. Ce sont ces grosses entreprise­s qui, par exemple, forment leurs chauffeurs à l’éco-conduite ». Or, elles se retrouvent concurrenc­ées par des chauffeurs auto-entreprene­urs « qui louent parfois leur VUL le matin pour livrer en zone urbaine, avant de le rendre le soir ». Le jeu est à ses yeux « déséquilib­ré ». Un colis rapporte 1 € à son transporte­ur. « Il existe des plates-formes type Bla-bla car version colis. Un chauffeur peut prendre 300 colis puis sous-traiter leur livraison ».

Une piste pour les 30 000 chauffeurs manquants

« Pourquoi ne pas profession­naliser les chauffeurs de VUL ? ». C’est la piste d’ « un parcours pour ceux-ci » que voudrait aussi explorer le député Pichereau car il manque 30 000 chauffeurs de poids-lourds en France. Or, ce sont autant de profils formés qui font donc défaut. La fin du service militaire est loin d’être pour rien dans cette crise de vocation. Les conditions de travail des chauffeurs de VUL, non plus : « Elles dégradent l’image du métier ». De quoi finir de saper les trop rares aspiration­s à exercer une profession « pas glamour ». Si on a le droit de le penser, reste que « ne pas parvenir à livrer nos commerces, ce n’est pas possible ! ».

A la recherche de foncier

« Il faut réfléchir à la manière de transporte­r ». Et, pour Damien Pichereau, il n’y a pas d’autre solution que de se pencher sur le moyen de « reculer la rupture de charge le plus loin possible », c’est-à-dire pousser le poids-lourd chargé jusque sur un site où de plus petits véhicules vont prendre le relais, en effectuant les courses. « L’intérêt, c’est qu’il peut s’agir de VUL électrique­s, de vélos, voire de vélos cargo, de piétons ». Bien sûr, le véhicule chargé qui rentre sur ce type de site doit en remplacer en même temps 10 autres à moitié pleins. « Donc il faut trouver du foncier dans les villes » pour créer ces lieux de convergenc­e qui permettent ensuite d’irriguer des commerces qui, en outre, n’ont plus de stocks. Si le pari est gagné, Damien Pichereau n’exclut alors pas que « le transport puisse être amené à être un jour un service public ».

 ??  ?? La corporatio­n des chauffeurs routiers, qui est réputée très, très peu bavarde, « fonctionne beaucoup par communauté­s ».
La corporatio­n des chauffeurs routiers, qui est réputée très, très peu bavarde, « fonctionne beaucoup par communauté­s ».

Newspapers in French

Newspapers from France