Une famille se déchire sur le compte de son entreprise
Une mère de famille est accusée d’avoir usé, pour son usage personnel, du chéquier de l’entreprise familiale. Elle se défend et affirme que cela a profité à toute la famille.
Une petite entreprise familiale, un divorce, des conflits de générations et des biens immobiliers… Ce n’était pas Dallas mais Tôtes, mardi 13 décembre, au tribunal correctionnel de Dieppe. Une femme comparaissait pour avoir usé du chéquier de la société de son mari et de son fils.
En tout, près de 100 000 € ont été détournés des comptes de cette entreprise tôtaise, sur une période d’à peine deux ans, entre 2004 et 2006. La mère de famille aurait utilisé le chéquier pour se verser des sommes sur son compte et régler des achats dans divers commerces de la région. Une pratique mise en lumière par l’expert-comptable de la société. Après une information judiciaire, 51 chèques frauduleux auraient été identifiés, 37 sur le compte personnel de madame, 14 pour des tiers.
La prévenue n’a pas nié les faits mais elle est restée inflexible : « Mon mari était au courant, on le faisait ensemble » . Est-ce vrai ? On ne le saura pas, l’entrepreneur est décédé le 26 décembre 2014 à l’hôpital. C’est son fils qui représente l’entreprise, partie civile dans cette affaire.
« Un désir de vengeance »
Pour la mère de famille, également gestionnaire des comptes, les sommes encaissées auraient profité « à tout le monde, pour financer des travaux de maisons et faire plaisir à nos enfants » , affirme la prévenue. Devant les interrogations du tribunal, elle a justifié « un désir de vengeance de son mari » , pour expliquer sa présence à la barre. En clair, il aurait « balancé » sa femme pour se venger d’avoir quitté le foyer.
Le couple s’est effectivement séparé. Lui l’accuse de dépenser l’argent au casino, elle affirme être battue. Mais le sujet du jour, c’est le détournement de fonds. « L’infraction est simple, on ne peut pas confondre son patrimoine et celui d’une entreprise » , rappelle la présidente du tribunal. La prévenue acquiesce, ne sachant répondre autre chose que « mon mari était au courant » .
L’avocat de la partie civile, la société représentée par le fils, a tenté d’enfoncer la prévenue, souhaitant prouver au tribunal la vénalité de cette femme qui vit aujourd’hui avec 900 € par mois. « Madame n’assume pas » , appuie- t- il, réclamant 100 000 € de préjudice matériel et 5 000 € de préjudice moral. Pour le procureur, « la personne visée ne peut plus témoigner, cela laisse place à l’imaginaire » . Le ministère public a donc imaginé que « si le mari est complice, madame est aussi coupable de l’abus de confiance » .
« L’infraction est constituée »
Place maintenant aux certitudes : « L’infraction est constituée, que l’argent ait servi à la vie de famille ou pour aller au casino, monsieur n’a jamais été poursuivi pour cela » . Il a été demandé au tribunal 12 mois de prison avec mise à l’épreuve de 24 ans et l’interdiction d’émettre des chèques pendant cinq ans.
Dans une longue plaidoirie, Me Brument a tenté de démonter les accusations une à une face au « chemin de croix » de sa cliente. « C’est uniquement une affaire d’argent » , lance-t-il, montrant les talons de chéquiers datés de 2005 à 2006, sur lesquels apparaîtraient les signatures du père et du fils. L’avocat de la défense a ainsi cherché à prouver que l’usage personnel des finances de l’entreprise était une pratique courante dans la famille. « [Le père] s’arrangeait toujours pour que le bénéficie soit minimum, comment a-t-il fait, alors, pour bâtir trois maisons pour ses enfants ? »
Dernier élément d’importance : si l’expert- comptable a signalé les agissements de madame en novembre 2006, le père aurait reconnu au cours d’une audition être au courant de ces détournements depuis 2004. Pourquoi ne l’avait-il pas signalé avant ? Peut-être parce qu’il espérait qu’elle revienne ? La décision du tribunal sera rendue le 10 janvier prochain.