Cambriolé par… deux amis
Deux Dieppois ont profité qu’un de leur ami particulièrement vulnérable quitte son domicile, rue Asseline, pour aller lui voler sa console de jeu et des jeux vidéos. Derrière cette banale histoire, ce sont des parcours de vie chaotique qui ont été mis en
C’est une simple affaire de vol et de ports d’armes, le tout dans un contexte digne d’une histoire d’Emile Zola, qu’a eu à examiner, lundi dernier, le tribunal correctionnel de Dieppe. Ils sont deux prévenus, deux amis, dans le box de la salle d’audience : l’un va bientôt fêter ses 34 ans et vit dans le centre-ville, l’autre n’a que 19 ans, il est sans domicile fixe.
Samedi 21 janvier, ils ont commis un cambriolage chez un jeune homme domicilié rue Asseline à Dieppe. En son absence, ils ont défoncé la porte de son appartement et ont fait main basse sur une console de jeu et des jeux vidéos. A l’intérieur du logement, ils ont cassé de la vaisselle au sol et renversé du soda et du rhum sur le canapé. A son retour, vers 22 h 35, la victime a eu la désagréable surprise.
L’enquête a rapidement permis aux policiers d’identifier les deux auteurs présumés qui sont déjà bien connus des services. Le plus vieux a 14 mentions à son casier judiciaire, le plus jeune n’en a que trois et il vient tout juste de sortir de prison. Ils ont été interpellés aux moments des constatations à quelques pas des lieux où ils ont commis leurs larcins. Ils avaient sur eux un couteau à cran d’arrêt, un poing américain, une bombe lacrymogène. Au cours des auditions au commissariat de police, ils ont reconnu les faits.
« Il n’a pas d’ami »
Devant le tribunal, ni l’un ni l’autre ne parviennent à dire pourquoi ils ont commis ce délit, « on n’a pas réfléchi » . Le prévenu le plus âgé explique qu’il a connu la victime, il y a deux ou trois ans, au service psychiatrique de l’hôpital de Dieppe. « Il manque d’affection et il nous invite chez lui, explique-t-il. Il nous dit qu’il n’a pas d’ami. Il nous harcèle tout le temps au téléphone » .
La victime, un solide gaillard, fait l’objet d’une mesure de curatelle renforcée. « C’est quelqu’un qui a beaucoup de mal à dire non, peut être en effet à la recherche d’une relation amicale. Mais quand ça déborde, il a du mal à nous interpeller, explique son curateur à la barre. C’est quelqu’un qui, malgré sa carrure, il peut être impressionné par les autres » . De fait, le duo venait régulièrement chez lui pour manger, boire et fumer sans même lui demander avis et l’insultait de noms peu flatteurs en rapport avec son surpoids. « C’était des surnoms, ce n’était pas des insultes » se défendent-ils.
La présidente du tribunal a évoqué la personnalité des deux prévenus. Ce sont deux parcours de vie chaotique qui ont été dressés.
Une enfance malheureuse
Celui âgé de 19 ans tente de se réinsérer, il est inscrit dans le dispositif Garantie jeune. « Son dossier est à pleurer, dit Me Caroline Roth, son avocate. A 2 ans, il est placé en foyer, à 9 ans sa mère meurt, à 12 ans il retourne en foyer, à 16 ans il quitte l’école et se retrouve à la rue et à 16 ans et demi, il plonge dans l’alcool et les produits stupéfiants » . Il a également été frappé par son père, ces violences feront d’ailleurs l’objet d’un procès prochainement. Le plus âgé présente un passé judiciaire très chargé même si la justice n’a pas eu à faire à lui depuis 2013. La présidente a toutefois indiqué qu’il sera convoqué en septembre prochain pour s’expliquer dans une affaire de détention de produits stupéfiants, de port d’armes et d’outrage. Il vit du RSA, le revenu de solidarité active, et souffre de plusieurs addictions, l’alcool et le Subutex qu’il sniffe « pour trouver une sensation puissante » .
Mandats de dépôt requis
La procureure de la République a requis 18 mois de prison dont six avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans à l’encontre du plus âgé. Elle a réclamé 8 mois dont trois avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans pour le plus jeune. Elle a aussi requis un mandat de dépôt pour les deux prévenus.
Me Caroline Roth a invité le tribunal « à juger les faits et seulement les faits et de ne pas s’en tenir au contexte, au passif judiciaire ou aux condamnations à venir ; ce n’est que de l’atteinte aux biens, les faits ont été recon- nus immédiatement ». Même son de cloche pour Me Gaëlle Périssère qui défend le plus jeune : « C’est un vol, ce n’est pas un abus de faiblesse », martèle-t-elle.
Des obligations pendant deux ans
Finalement, le tribunal correctionnel a été plus clément que les réquisitions du Ministère public. Le prévenu plus âgé a été condamné à un an de prison dont six mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans. Le plus jeune écope de huit mois de prison dont quatre avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans. Les prévenus n’ont plus le droit d’entrer en contact entre eux. L’un et l’autre n’ont plus le droit d’entrer en contact avec la victime, ils n’ont plus le droit de porter des armes, ils ont l’obligation de travailler ou de suivre une formation, de se soigner et d’indemniser solidairement les victimes : 400 € pour l’ami cambriolé et 600 € au propriétaire de l’appartement pour les dommages commis sur la porte. Il n’a pas été prononcé de mandat de dépôt.