Damien, le berger du 21e siècle
Convaincu qu’il faut inventer le monde de demain, Damien Hédin a créé une association pour promouvoir la gestion écologique des paysages. Parce qu’au 21e siècle, l’homme ne peut plus agir comme avant sur la nature. Rencontre.
Dans le petit corps de ferme où il a installé sa famille, Damien Hédin applique à lui-même les principes qu’il aimerait voir généraliser à toute la société. Ici, pas de tondeuse ou de taillehaie. Ce sont des oies et des moutons qui entretiennent le jardin, le plus naturellement du monde.
« Je suis partisan que l’homme intervienne moins sur la nature » , explique- t- il d’emblée. Ce retour à la terre, au coeur de Petit- Caux, était presque devenu une nécessité pour Damien et sa femme, Mélanie. Avec une idée fixe en tête : développer la gestion écologique des paysages, arrêter de façonner la nature à l’image de l’homme mais, au contraire, laisser faire le cours naturel des choses.
Une nouvelle vie de « bobo » ? Très peu pour lui. L’écologie n’est pas devenue une lubie pour Damien. Elle n’est pas non plus dans ses gènes. Etudiant en Histoire, travailleur humanitaire au Maroc, engagé pour la culture à son retour à Dieppe, Damien Hédin a fait « l’école du monde associatif » .
Aujourd’hui responsable de la communication pour la communauté d’agglomération DieppeMaritime, ce jeune papa fait preuve d’une certaine « curiosité » pour la nature : « Tu es un peu spectateur désabusé de l’évolution de la planète et puis du jour au lendemain, tu deviens parent et tu te dis qu’il faut faire quelque chose » , raconte l’intéressé.
L’arrivée d’Anna a effectivement bouleversé la vie de ce jeune citadin, plus habitué à enfiler une chemise qu’à chausser des bottes. « Devenir parent, ça décuple l’imagination » , relève-t-il. Damien Hédin s’est donc mis à lire assidûment des livres – ceux de Divo, de Bourguignon – à parcourir des sites internet spécialisés. « J’ai aussi fait aussi beaucoup de rencontres » ajoute-t-il.
Des rencontres suffisantes pour s’engager, sous l’oeil bienveillant et avec l’étroite collaboration de sa compagne Mélanie. Ce choix de vie, « c’est un choix à deux » , insiste-t-il. C’est ce qui a conduit le couple à fonder Ökotop, une association pour formaliser ses intentions : celles de convaincre la société qu’il est urgent d’agir autrement pour la planète, en employant la méthode de la gestion écologique des paysages.
Avec une poignée de copains, ils ont développé une arme fatale : l’éco-pâturage. « C’est la locomotive du projet » , admet Damien Hédin. C’est cela qui a amené le regard des autres vers l’association. Placer des ânes, des chèvres ou des moutons en milieu urbain, pour entretenir les espaces verts, c’est tout à fait nouveau.
A force de persuasion, Damien Hédin est parvenu à convaincre la Ville de Dieppe, le syndicat mixte du port, la commune de Varengeville ou des sociétés comme Veolia et Jardiland. Des actions qui ont largement convaincu la presse locale et régionale, voire nationale, avec quatre passages TV et une vingtaine d’articles dans la revue de presse 2016 de l’association.
Avec le renfort d’un biologiste, d’un urbaniste, d’un architecte ou encore d’un paysagiste et d’éleveurs, Damien Hédin est parvenu à fédérer suffisamment de compétences pour mettre en application « la gestion des espaces verts de demain » .
« Nous avons un projet plus global que l’éco-paturage. Le contexte est favorable, l’urgence maximale. Le législateur va dans notre sens, le grand public semble ouvert à nos idées. Tout cela créé un terreau fertile » , assure Damien Hédin.
Ökotop, c’est ainsi bien plus qu’une bergerie ou une énième association environnementale militante. « Nous ne sommes aucunement militants, nous n’avons pas de carte dans un parti politique. Au contraire, Ökotop, c’est du concret, de l’action, tous les jours. Nous pensons que les actions citoyennes font souvent bien plus que la politique » , explique-t-il.
L’association qu’il a créée se présente ainsi davantage comme un bureau d’études, capable de répondre aux problématiques nouvelles des collectivités confrontées à un durcissement des contraintes environnemen- tales (produits phytosanitaires interdits par exemple) et à la baisse de leurs subventions.
Ainsi par exemple, « nous venons de remettre une étude d’une centaine de pages de conseils, d’estimations et préconisations pour la mise en place d’un plan de pâturage à l’échelle de la Ville du Havre » .
« Etre parent, ça décuple l’imagination » L’éco-pâturage comme locomotive Vers le monde de l’entreprise ?
Le succès d’Ökotop ne se dément pas. Après avoir recruté près de 130 collaborateurs – moutons d’Ouessant, chèvres de fossés ou vache bretonne pie noir, entre autres – l’association espère concrétiser l’embauche d’un salarié en 2017. Une réussite collective pour Nicolas, Clément, Grég, Vincent, Mélanie, Karine et donc Damien, le chef d’orchestre : « Je sais écrire, parler, animer et maintenant, je suis devenu éleveur. Mais sans eux, sans leurs compétences, je ne suis rien, je ne peux rien faire » .
Et si la prochaine étape était de convertir Ökotop au monde de l’entreprise ? Une idée qui traverse l’esprit de Damien Hédin et ses compères. « Nous y réfléchissons, c’est vrai. Une chose est certaine, si l’on doit transformer Ökotop en entreprise, ce serait une société coopérative » , confie-t-il.
En attendant, lentement mais sûrement, le petit groupe avance pour « faire évoluer les consciences, imaginer le monde de demain » . Quand Damien Hédin et sa compagne Mélanie voient leur fille Anna évoluer parmi les animaux, ils se disent qu’ils ont fait le bon choix : « Elle n’en sortira pas indemne » , sourient-ils.