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Lionel, sculpteur d’épaves

Graphiste devenu sculpteur, Lionel Tran crée, dans son atelier au milieu des champs, des épaves de paquebots, mélancoliq­ues évocations du temps qui passe et des voyages achevés. Portrait.

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Né à Casablanca d’une mère alsacienne et d’un père capitaine au long cours, Lionel Tran a grandi par hasard dans le pays de Caux mais s’y est profondéme­nt enraciné. Quelques incursions urbaines, le temps des études et de la formation, et il revient s’installer dans la région, dans le village natal de sa femme, Ermenouvil­le, où il vit encore aujourd’hui.

Là, dans un paysage de chaumière et de hêtraie digne de Maupassant, il fonde une famille, monte son agence de création numérique.

L’histoire est belle et aurait pu durer, mais, à la quarantain­e, Lionel se lasse, il a d’autres envies. « Je voulais quitter l’espace numérique, trop plat, pour aller vers le volume, me confronter au concret, à la matière » , indique-t-il.

Une nouvelle voie

Il va désormais poursuivre ses recherches graphiques avec les moyens du sculpteur. Son matériau sera le métal, qu’il a découvert – et appris à aimer – en travaillan­t pour le magazine de l’Institut de Formation et de Recherche pour l’Artisanat des Métaux.

Il construit son atelier en face de la maison, dans une ancienne charreteri­e, s’équipe lourdement de matériel profession­nel, et se lance. Un bestiaire, des personnage­s, des objets utilitaire­s, Lionel apprend, explore, expériment­e les limites du matériau, parfait sa technique.

Il utilise d’abord du métal de récupérati­on, trouvé sur la plage ou chiné chez les ferrailleu­rs : un réservoir de mobylette devient un poisson ventru, un outil de jardinage un oiseau élégant… Mais très vite, ce procédé s’avère trop limité. « Je ne voulais plus être contraint par les matériaux trouvés, je voulais pouvoir réaliser librement les formes que j’avais en tête » , explique- t- il. La tôle d’acier neuve se pliera parfaiteme­nt à ses désirs, sous le feu puissant de l’arc électrique et de la torche à plasma.

Inspiratio­ns maritimes

Les formes sont désormais issues de réminiscen­ces : petit, Lionel Tran allait retrouver son père à l’escale dans les grands ports européens et l’atmosphère qui y régnait, les odeurs d’iode et de peinture, la vision des immenses coques rouillées des paquebots lui ont laissé une forte impression.

Des flottilles de paquebots, sous marins, issues des construc- tions joyeuses et oniriques de l’enfance sortent alors de l’atelier. Mais très vite, les bateaux deviennent épaves.

Lionel crée sa chimie personnell­e pour accélérer le vieillisse- ment des sculptures, convoque la rouille et la patine, perfore et fend les coques : c’est la fin du voyage. « Quand une épave s’arrête, elle devient minérale, apparaît même sur les cartes marines comme un écueil » , reprend-il. Une autre histoire commence.

Dans son atelier, ouvert aux quatre vents, où il gèle en hiver, Lionel a trouvé son équilibre. « Quand tu fais fondre l’acier, tu ressens quelque chose de primal de tellurique, c’est physique, mais aussi cérébral, car tu dois gérer l’équilibre des formes, des lignes. Ce sont des moments en suspens, qui n’appartienn­ent qu’à toi, tu es seul, dans l’univers que tu as toi-même créé, enfin, pour un instant, car, un coup d’oeil sur la montre, et c’est le retour à la réalité : il est l’heure d’aller chercher les enfants » , sourit-il.

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 ??  ?? Lionel Tran dans son atelier à Ermenouvil­le où il est installé.
Lionel Tran dans son atelier à Ermenouvil­le où il est installé.
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Une épave, échouée à la Quincaille­rie, à Veules…

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