Les Informations Dieppoises

Un notaire poursuivi pour abus de faiblesse sur une personne âgée

Deux hommes dont un notaire comparaiss­aient le 28 février dernier au tribunal de Dieppe pour abus de faiblesse. Ils auraient voulu obtenir la signature d’un nonagénair­e souffrant d’Alzheimer pour la vente de sa maison.

- V. W.

Y a-t-il eu abus de l’état de vulnérabil­ité d’un nonagénair­e dieppois ? C’est ce que doivent déterminer les juges du tribunal dieppois. Dans cette affaire, deux hommes sont à la barre ce mardi 28 février pour s’expliquer. Le premier est le beau-frère de la victime, le second son notaire. Le nonagénair­e est pour sa part décédé depuis les faits.

Toute l’affaire débute le 22 juin 2012 lorsqu’un signalemen­t est fait au procureur par le personnel médical de l’hôpital. Il y a alors suspicion d’abus de faiblesse sur un patient qui réside à l’Opad, l’Office des personnes âgées de Dieppe. Des témoignage­s d’infirmière­s sont rapportés : le beau-frère du nonagénair­e aurait été vu en train de lui dicter un texte par lequel ce dernier renoncerai­t à l’assurance-vie de son épouse décédée au profit de son neveu, le fils du beau-frère.

Par ailleurs, un notaire serait venu à la maison de retraite pour faire signer les papiers de vente de la maison de la victime. Seulement, cette dernière n’aurait plus toutes ses facultés, souffrant d’une démence de type Alzheimer.

Plusieurs faits reprochés

Une enquête est ouverte. De nombreuses auditions sont réalisées et les deux prévenus sont renvoyés devant le tribunal pour « abus frauduleux de l’ignorance ou de la faiblesse d’une personne vulnérable pour la conduite d’un acte préjudicia­ble ».

Plusieurs faits sont reprochés au beau-frère. Tout d’abord avoir prélevé 1 000 € sur le compte de la victime. Son avocate, Me Capitaine, explique que cette somme correspond à des frais qu’a eus le prévenu lorsqu’il a pris à son domicile la victime durant deux mois et demi, alors que sa femme était hospitalis­ée et avant qu’il ne soit lui-même placé à la maison de retraite. S’il y avait eu un acte malveillan­t, fait- elle remarquer, « il n’y aurait pas eu un seul retrait, mais plusieurs ! »

Deuxième fait reproché : avoir tenté de faire signer le renoncemen­t à l’assurance- vie. La juge fait remarquer que dans un premier temps, le prévenu a nié devant les enquêteurs avant de revenir sur cette déclaratio­n. Pour Me Capitaine, ce n’est pas le cas. Son client est désormais malade et n’est pas en pleine possession de ses moyens.

Lors de la deuxième audition, il se serait embrouillé dans ses déclaratio­ns. Il aurait juste voulu expliquer s’être bien rendu auprès de son beau-frère mais avec une représenta­nte de la Caisse d’épargne « pour savoir sur quel compte (du nonagénair­e) verser l’assurance-vie » et en aucun cas, d’après elle, pour changer le destinatai­re.

Enfin, il lui est reproché d’avoir fait des démarches pour vendre la maison de son beaufrère, alors qu’il n’était plus en état de savoir ce qu’on lui faisait signer. C’est là qu’intervient dans la procédure, le notaire. Avait-il pour sa part connaissan­ce de la vulnérabil­ité du Dieppois ? Car pour le beau-frère, les troubles cognitifs ont commencé à être apparents chez la victime en 2011. Or c’est en 2012 qu’une partie des documents a été signée.

« La victime en possession de ses moyens »

C’est là que le notaire s’embrouille dans ses déclaratio­ns. Il nie tout d’abord avoir été présent lors de la signature de la procuratio­n par la victime, procuratio­n qui lui a permis ensuite de valider le compromis de vente. Il dit ne plus l’avoir revu depuis 2010. « Il était alors en bonne santé » . Finalement 20 minutes plus tard, il se « souvient » de lui avoir fait signer lui-même le 8 mars 2012. Ce qui interpelle juge et procureur.

Il insiste sur le fait que selon lui, la victime était en pleine pos- session de ses moyens. « Je lui ai posé quelques questions pour le voir » , explique-t-il. Finalement, lorsqu’en juillet 2012, il vient à son chevet lui faire signer la vente de la maison, il n’ira pas jusqu’au bout de sa démarche, après que la cadre de santé lui a fait remarquer l’état de santé incompatib­le du patient avec un tel acte.

Pour le procureur, le notaire n’a alors fait machine arrière qu’en se « rendant compte que le personnel de l’Opad réagissait assez fermement face aux actes qui allaient être signés par la victime » .

« Faute intolérabl­e de la part d’un notaire »

Un procureur a martelé combien il estime « que c’est une faute intolérabl­e de la part d’un notaire » . Pour lui, dans ce dossier « on va au-delà de la simple erreur d’appréciati­on » . Il réclame à l’encontre du beau- frère deux ans de prison avec sursis et 5 000 € d’amende et à l’encontre du notaire, la même peine de prison et 15 000 € d’amende.

Les deux avocats des prévenus réclament la relaxe pour leurs clients. Me Brument, pour le notaire, estime que ce dernier a bien fait son travail « puisque la vente n’a pas eu lieu. Il a pris acte que cet homme n’était pas en état de manifester sa volonté, il a rempli sa mission de l’homme de droit » . Il estime disproport­ionnées les réquisitio­ns. Il fait remarquer que son client n’avait aucun intérêt et n’aurait retiré aucun avantage de cette situation.

Me Capitaine, elle, indique que pour l’offre d’achat, son client a suivi les directives de la victime et l’a fait avec un notaire et que, de toute manière, l’argent de la vente devait rester chez le notaire pour financer la maison de retraite. L’affaire a été mise en délibéré au 4 avril.

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