Jumel, ce maire qui susurre à l’oreille de Mélenchon
Le maire de Dieppe pourrait devenir ministre si Jean-Luc Mélenchon accédait au poste suprême. En attentant, Sébastien Jumel, le maire de Dieppe, milite de toutes ses forces pour son candidat. Il s’est livré à notre confrère du site NormandieActu.
Au deuxième étage de l’hôtel de ville de Dieppe (Seine-Maritime), Sébastien Jumel occupe un bureau pas plus grand qu’une chambre d’étudiant. « J’y passe beaucoup de temps, alors je l’ai arrangé à mon goût » , précise le maire servant un Perrier resté au frais au milieu de bouteilles de blanc. Ici, trônent les gants offerts par le boxeur professionnel dieppois, Anthony Buquet. Mais pas seulement.
Ce père de famille, âgé de 46 ans, a pris soin de conserver les dessins de son ami Charb (rédacteur en chef de Charlie Hebdo, assassiné le 7 janvier 2015), qui avaient servi d’affiche de campagne lors de l’élection municipale de 2014. Charb-Jumel, tout se tient.
Plus surprenant, à l’autre bout de la pièce est encadrée une photo où le communiste, encarté depuis 1989, serre la main de François. Pas Hollande, mais le Pape. C’était à l’automne 2014. Sébastien Jumel s’explique :
« Ça part d’une joke [blague, N.D.L.R.] avec le curé de Dieppe. Avant mon élection, il m’a envoyé un texto me proposant de rencontrer le Pape, si je gagnais. Des textos, en campagne, j’en reçois tellement… J’ai dû répondre « ok », sans trop avoir compris. Le soir du résultat, il m’a relancé et voilà. »
Les souvenirs ont eu le temps de s’accumuler après neuf ans à la tête de cette ville de 30 000 habitants. Il remporte l’élection de 2008, face à la droite. Une carrière qui n’était pas dessinée d’avance pour ce fils d’un père soudeur et d’une mère femme de ménage. Né au Havre, le jeune Sébastien part à 17 ans du foyer familial de Gonfrevillel’Orcher, pour rejoindre Aix-enProvence. Il y fera Science-Po.
Très tôt, il sait que son engagement se fera à gauche toute. « J’avais des copains qui étaient tout aussi, voire plus intelligents que moi, mais je mesurais déjà qu’en fonction de leur origine sociale, ils n’auraient pas le même parcours. Comment cette société qui a autant de richesse produit autant de gaspillage humain ? » Cette « révolte » face à l’inégalité constitue encore aujourd’hui son « moteur de vie » .
Après avoir passé cinq années entre Aix et Marseille, il décide de remonter en Normandie. À seulement 23 ans, le communiste Christian Cuvilliez en fait son directeur de cabinet à la mairie de Dieppe, puis son attaché parlementaire. Il « tombe amoureux de cette ville » .
Après la défaite de son mentor en 2001, Sébastien Jumel aiguise ses armes, pour la reconquête. « Je ne quitte pas le navire quand il y a des difficultés. » En 2008, il « passe du statut de militant, à celui de maire de tous » .
Militant, celui qui est aussi conseiller régional de Normandie, l’est resté. Depuis le début de la campagne pour l’élection présidentielle de 2017, Sébastien Jumel soutient Jean-Luc Mélenchon (France insoumise).
Sébastien Jumel a pesé de tout son poids pour que le Parti communiste en fasse de même. « Là, je me suis mouillé » , certifie l’élu. Finalement, en novembre 2016, à une courte majorité, les militants font le choix de la candidature du leader du Parti de gauche. Celui qui aime qu’on l’appelle « Sébastien » , confie : « Le Mélenchon de 2017 me plaît davantage que celui de 2012. Il me semble plus à l’écoute, plus rassembleur. Et rassembler est important parce qu’aujourd’hui, c’est possible. »
Un soutien sans condition, qui s’explique notamment parce qu’il a « appris à le connaître » . Le Normand a l’oreille du candidat. Les deux hommes se parlent. « Je lui apporte l’éclairage de la vie véritable. »
Jean-Luc Mélenchon est venu au Havre, mercredi 29 mars, après être passé par Dieppe, la veille. Sébastien Jumel a été cité devant les partisans venus aux Docks Océane. Le candidat à l’élection présidentielle a même laissé entendre qu’il ferait appel à lui au gouvernement. « Ça rend fier » , reconnaît le communiste.
Ministre, il pourrait être à la tête de l’Éducation nationale tant le premier magistrat de la ville aux quatre ports, se passionne pour ces problématiques. « Je suis le fruit de l’école républicaine. Sans mes instituteurs, je n’en serais pas là. Je suis le maire de la ville de Thomas Pesquet qui dit en être arrivé là grâce à ses professeurs. Mon projet de société, ce n’est pas l’égalitarisme qui gomme. Je veux permettre à ceux qui ont des rêves, de pouvoir les réaliser. »
Ministre de la Santé ? Peutêtre. Comme président de la conférence régionale de santé, c’est un domaine qu’il prétend maîtriser. Mais Sébastien Jumel ne pourrait pas être le ministre de l’Industrie du président Mé- lenchon.
Même s’il s’enorgueillit d’avoir l’implantation d’usine comme Alpine sur son territoire – une richesse industrielle qui représente 24 % du PIB lo- cal – sa divergence à propos du nucléaire est trop forte. Sébastien Jumel ne souhaite pas sortir du nucléaire, à la différence de l’ancien sénateur socialiste. « J’en ai discuté calmement avec Mélenchon. Je pense qu’il a tort. Je suis pour un mix énergétique. Ça ne me choque pas de ne pas être d’accord à 150 % avec mon candidat. »
Le passage à la 6e République les rassemble. C’est un thème qui passionne ce quadra, diplômé de droit constitutionnel. « J’ai toujours été convaincu que le système présidentiel est anti-démocratique. C’est quoi ce pays démocratique où le président de la République n’est pas obligé de réunir le Parlement pour faire entrer le pays en guerre ? La 5e République est arrivée au bout d’un cycle. Si on ne crée pas des passerelles pour que les citoyens se mêlent de ce qui les regarde, le fossé va s’agrandir. »
Du score de son poulain, pourrait bien dépendre l’avenir politique de Sébastien Jumel. S’il n’est pas ministre, s’ouvrira-t-il vers un destin national en devenant député ? « Je prendrai ma décision à la fin du mois d’avril. J’ai des pressions pour y aller. Il y aura un porte-voix dans cette région. Il y a un enjeu de changer la donne au niveau national. Ça ne peut plus durer. »
En attendant, Sébastien Jumel met « toute [sa] force et [son] énergie » pour que le score de Jean-Luc Mélenchon, au soir du 23 avril 2017, soit le plus élevé possible.
De Charb au Pape Le Havrais tombe amoureux de Dieppe Un futur ministre de Mélenchon ? Le nucléaire : « Mélenchon a tort » Un avenir à l’Assemblée nationale ?