Prison ferme pour les trois passeurs
Placés en détention provisoire au mois de mars, deux Albanais ont été condamnés à de la prison ferme pour avoir aidé des migrants à passer en Angleterre. Une jeune femme de la région dieppoise était également accusée de leur donner un coup de main.
En mars 2017, l’affaire avait marqué les esprits. Une jeune femme, originaire de la région dieppoise, et deux Albanais avaient été placés en détention provisoire avant d’être jugés le 13 avril dernier. Ils étaient accusés d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger en France ou dans un État faisant partie de l’espace Schengen.
Cette audience est le résultat de neuf mois d’enquête lancée par le parquet de Dieppe, en juin 2016. L’un des prévenus, un Albanais âgé de 24 ans, a été placé sur écoute. Tout comme la jeune femme de 22 ans qui, à l’époque, entretenait une relation amoureuse avec l’intéressé. Le troisième prévenu, Albanais également, est sur le territoire français depuis seulement trois mois. Le procureur de la République de Dieppe les caractérise de bande organisée.
Le plus âgé des Albanais est même considéré comme l’un des référents dieppois pour passer vers l’Angleterre. « Il a été très compliqué de le suivre au niveau des écoutes téléphoniques », souligne le procureur. Il est très discret et ne parle jamais des détails des passages en Angleterre. Il change également régulièrement la puce de son téléphone portable. « Il a une responsabilité certaine, reprend-il. Et il est en contact avec des personnes au-dessus de lui » . Le 19 janvier dernier, il a été vu avec une autre personne, près du Transmanche, pour faire des repérages. « Cet homme facilite le départ des Albanais, poursuit le procureur. C’est un intermédiaire qui compte à Dieppe » .
Il a rappelé qu’en 2016, 600 personnes ont été interpellées dans la zone restreinte du Transmanche. Avec des transports et de passages tarifés entre 6 000 € et 10 000 €. « Ils paient cher et souvent ça se passe mal car les migrants sont récupérés par les forces de l’ordre à Dieppe ou à leur arrivée en Angleterre », précise-t-il.
Exécutant
Une vingtaine de paiements Western Union ont été envoyés au prévenu, avec des sommes moindres. Ce dernier explique avoir été en contact avec des migrants dans un but humanitaire. Il explique vouloir les aider car il tente, lui aussi, de passer en Angleterre depuis plusieurs mois. Il leur donnerait seulement des tuyaux.
Le second prévenu albanais est qualifié d’ « exécutant » . Plusieurs échanges téléphoniques indiquent qu’ils étaient tous les deux en contact. Le plus jeune, arrivé récemment à Dieppe, donnait le contact du plus âgé pour d’éventuels passages. Il a été vu également à plusieurs reprises en train de surveiller les camions qui allaient entrer dans la zone restreinte. La jeune femme originaire de la région dieppoise transportait les migrants jusqu’au camp ou près du Transmanche, à bord de sa Renault 19. Elle a également réceptionné huit versements Western Union pour le compte d’un de ses ex- compagnons albanais, actuellement en prison.
« Je m’y suis mal pris pour les aider, confie-t-elle à la barre. Ils viennent ici pour avoir un travail et une meilleure vie. Je ne savais pas vraiment ce que mon petit ami de l’époque faisait, mais je me doutais qu’il y avait un problème… Un Albanais qui reste deux ans en France, ce n’est pas normal ! » . Son avocate a plaidé le manque de confiance en soi, un besoin d’amour et d’affection. Concernant les deux Albanais, les plaidoiries se sont concentrées sur le manque d’éléments significatifs dans le dossier. « Le parquet a sorti le grand jeu, mais ce n’est pas le résultat escompté, lance Me Derny. À l’époque, une liste de noms avait circulé et aujourd’hui, on ne retrouve aucun de ceux-là » .
Elle remet aussi en cause la procédure : « On nous donne à lire des passages d’écoutes téléphoniques sortis de leur contexte. On ne peut pas condamner ces gens à défaut de ne pas avoir mis la main sur les têtes de réseaux » . La jeune femme a été condamnée à six mois de prison ferme dont trois avec sursis. L’Albanais de 24 ans a été condamné à 18 mois de prison ferme, celui de 21 ans à six mois ferme. Le deux ont interdiction de revenir sur le territoire français.