Le projet éolien définitivement enterré
Le conseil d’Etat vient de retoquer de manière définitive le projet éolien de la vallée de la Scie. « Pro » et « anti » se déchiraient depuis près de 14 ans.
Soulagement pour les uns, dépit pour les autres… Une chose est sûre, la décision du conseil d’Etat ne laissera personne indifférent dans la vallée de la Scie. Dans un courrier daté du 9 mai, l’instance rejette la demande de pourvoi en cassation formulée en octobre dernier par Néoen, promoteur d’un projet de parc éolien.
Elle confirme ainsi le retrait du permis de construire accordé par le préfet en 2011 sur les communes de Crosville-sur-Scie et Dénestanville. « Le calme va enfin pouvoir revenir dans la vallée » , se satisfait Hugo Miserey, président de l’association Mieux vivre dans nos campagnes, fer de lance de la lutte contre le projet éolien.
Photographe professionnel, il a mis ses talents au service de son combat. « Le promoteur a déjà été retoqué pour un projet près de Carhaix, en Bretagne, notamment à cause de photomontages honteusement sous évalués, explique-til. J’en ai donc réalisé plusieurs pour mettre en évidence la prégnance qu’auraient eues ces machines dans le paysage. »
Ce travail semble avoir fait la différence puisque le 19 mai 2016, la cour d’appel de Douai motivait quasi exclusivement sa décision de retirer les permis de construire par l’impact paysager qu’aurait eu le projet.
« Effet de disproportion »
« L’effet de disproportion, de domination ou de surplomb, compte tenu de la hauteur des machines et du dénivelé, portera gravement atteinte au caractère et à l’intérêt des lieux et altérera significativement l’unité paysagère du site de la vallée de la Scie », stipule en effet le document produit à l’époque.
Jacky Ribet, maire d’Anneville-sur-Scie et opposé au projet éolien après consultation de ses administrés en réunion publique, se montre presque étonné par les critères retenus. « Notre commune a été sinistrée deux fois ces dernières années à cause du ruissellement des eaux, rappelle-t-il. Ce risque aurait été encore accru avec la création des socles de béton des éoliennes et je suis surpris que cet argument n’ait pas été retenu. »
Ne faisant pas la fine bouche, il s’avoue tout de même soulagé et confesse qu’il aurait « rendu son écharpe de maire » si son camp avait été débouté : « Ce projet allait manifestement à l’encontre du droit de l’urbanisme et de l’environnement. Il aurait été scandaleux qu’il aboutisse alors qu’en tant qu’élu, nous devons refuser des permis de construire aux gens pour des détails.
Pour aboutir à ce résultat, une longue mobilisation s’est avérée nécessaire. « Nous avons fourni des kilos de documents, distribué 20 000 tracts, collé 800 affiches et recueilli des centaines de signatures sur notre pétition » , recense Didier Marchand, président de l’Association de défense des droits et intérêts du citoyen crosvillais (Addicc).
En plus des frais de justice, épongés grâce aux assurances et à diverses initiatives, le militant associatif explique avoir dû parcourir un chemin semé d’embûches. « On m’a par exemple insulté de sale communiste et mon vice-président s’est fait sortir de la commission à laquelle il participait en mairie » , relate-t-il
« Un défenseur du projet a même menacé de barrer la route d’une course cycliste se déroulant sur le territoire de communes opposées à l’aide d’un camion de fumier ! » , renchérit Hugo Miserey, qui met par ailleurs en évidence la fourberie du promoteur : « Nous gagnerions à nous intéresser de près aux pratiques de ces sociétés, car pour faire passer leur premier projet, en 2003, elles n’ont pas hésité à effacer une maison du cadastre ! »
Si le débat sur les choix énergétiques ou l’esthétique des éoliennes apparaît difficile à trancher, le président de Mieux vivre dans nos campagnes insiste sur deux points : « Il est prouvé que tout parc éolien induit une décote de l’immobilier alentour. Par ailleurs, un rapport vient de tomber quant aux infrabasses, imperceptibles à l’oreille, émises par ces machines. Si elles ne peuvent pas rendre malade, elles mettent le squelette en résonance et peuvent aggraver certaines pathologies. »
Le camp d’en face semble minimiser ces affirmations et met en avant les enjeux écolo-
« On m’a insulté »
giques et économiques soulevés. A Crosville, on estimait en effet les retombées annuelles du projet à près de 120 000 €. Pour doper les finances locales, il faudra donc trouver autre chose…