La revanche du 19 août 1942
Nous sommes le 1er septembre 1944. C’est un vendredi et il est 10 h 30. Un motocycliste canadien descend la côte de Rouen sous le regard incrédule des passants. Les Allemands ont déserté la ville. À l’horizon, la mer. Celle du 19 août 1942, celle du Débarquement. La population commence à s’amasser pour voir entrer le convoi derrière la moto. Aujourd’hui, les Canadiens arrivent en libérateurs à Dieppe et cela donne un air de revanche qui galvanise les habitants et les troupes
Tout va très vite, la journée précédente a été mouvementée. Avant de s’enfuir, les nazis ont détruit de nombreux ouvrages pour tenter de freiner la progression des Alliés.
Ils ont fait sauter tout ce qu’ils pouvaient. Le Château est touché, le toit de la vieille tour SaintRémy s’est effondré. Le pont Colbert est quasiment détruit ainsi que la mairie. Toutes les infrastructures du port ont été endommagées : grues, écluses, poissonnerie, hangars, pont et voies ferrées. De nombreuses épaves obstruent les bassins.
De son côté, l’aviation alliée a subi des pertes. Malgré les menaces de mort en représailles, les Dieppois ont recueilli des aviateurs. La Résistance locale n’est pas restée inactive non plus. Le réseau Léopard a fait sauter les locomotives du dépôt et la gare de triage de Rouxmesnil est touchée.
Le convoi canadien entre maintenant dans la ville et la foule en liesse l’accompagne jusqu’au monument de la Victoire pour s’y recueillir. Ce jour-là paraît aussi le premier numéro du journal La Vigie Nouvelle qui est distribué gratuitement. On y apprend la révocation du maire ainsi que des informations sur l’arrivée imminente des Alliés. Le numéro signale aussi les actions quelque peu nauséabondes de résistants de la 25e heure qui ont traqué des femmes suspectées d’avoir fréquenté d’un peu trop près les Allemands. Dieppe n’échappe pas à la pratique de la tonte sur la place publique. Pendant ce temps, les vrais collabos auxiliaires de la Gestapo ont pour certains revêtu l’uniforme allemand et prennent le large… D’autres se fondent dans la foule et ne seront pas inquiétés. La ville est libérée, les Dieppois sont soulagés.