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DIEPPE > En prison pour avoir séquestré, violenté et racketté des SDF

Frédéric Desjardins et son ex-compagne comparaiss­aient mardi devant le tribunal pour avoir séquestré, violenté et extorqué de l’argent à plusieurs marginaux dieppois entre 2008 et 2010. Lui écope de 42 mois de prison ferme, elle d’un an avec sursis.

- P. D.

« Un couple maudit. » C’est ainsi que Me Gazeau, avocate de l’une des victimes, évoque Frédéric Desjardins, 46 ans, et son ex-compagne, de dix ans sa cadette. Tous deux comparaiss­aient mardi 5 septembre devant le tribunal correction­nel de Dieppe, pour des faits de séquestrat­ion, extorsion par violence et exploitati­on de la mendicité d’autrui commis entre 2008 et 2010. Au cours de l’audience, près d’une dizaine de marginaux dieppois ayant subi violences et extorsions sont cités. Cependant, seuls deux d’entre eux figurent parmi les parties civiles et pour cause… la plupart sont décédés depuis.

L’enquête démarre en mars 2011, quand un marginal est retrouvé battu à mort à son domicile, rue de l’Épée à Dieppe. Frédéric Desjardins se retrouve rapidement suspect n° 1. Mais faute de preuves suffisante­s, un non-lieu est prononcé. Toutefois, les investigat­ions se poursuiven­t pour mesurer l’étendue du réseau de racket que le Dieppois semble avoir organisé. Placé sous mandat de dépôt, Desjardins effectue pendant ce temps deux années de détention provisoire avant d’être placé sous contrôle judiciaire.

Violence et perversité

Les conclusion­s de l’enquête sont accablante­s : décrit comme « une brute épaisse » , l’homme a joué le bon samaritain pour attirer des marginaux en situation vulnérable. À la fin de l’été 2010, Claude*, l’une des deux parties civiles, lui est ainsi présenté comme « pigeon » idéal par un autre SDF. Surnommé « le banquier » , le quinquagén­aire vient de percevoir un rappel d’allocation adulte handicapé d’un montant de 2 500 €, dont il fait profiter ses compagnons de galère.

Après une rencontre à proximité du Puits-Salé, en centre-ville de Dieppe, Claude, qui souffre d’isolement, est invité dans le pavillon janvalais du couple Desjardins. Il y prend ses quartiers et l’enfer commence : de l’argent lui est demandé, puis sa carte bancaire et son code lui sont extorqués à grand renfort de coups et d’insultes. « Maigrelet » et « affaibli par sa consommati­on d’alcool » , l’homme tombe sous l’emprise de Desjardins, dont il affirme qu’il le contraigna­it à regarder des films pornograph­iques en sa compagnie, ou à lui prodiguer des fellations en échange de nourriture… Douches froides, moqueries et menaces diverses viennent compléter l’arsenal du tortionnai­re. S’il n’est pas empêché physiqueme­nt de quitter les lieux, le quinquagén­aire, faible et terrorisé, n’ose pas fuir. Lorsqu’il essaie finalement de le faire, en décembre 2010, il réalise un malaise. Hospitalis­é, il finit par se confier sur son martyre à l’expert psychiatre.

L’autre partie civile, Alberto*, a séjourné entre 2008 et 2009 au domicile du couple, situé à l’époque rue de la Halle-au-Blé à Dieppe. Lors de son audition, il décrit des faits similaires de violence et d’extorsion. Après avoir trouvé refuge au foyer Vauban, il se jette à nouveau dans la gueule du loup.

« Il savait que s’il ne revenait pas, il prendrait cher si Frédéric le croisait dans la rue » , explique l’ex-compagne du bourreau. Après une deuxième fuite, dans un foyer rouennais cette fois, Desjardins et son amie se rendent sur place pour récupérer Alberto, au motif qu’il leur « doit de l’argent » . Après les avoir éconduits, le personnel reçoit une volée d’insultes.

« J’étais comme eux, j’avais la trouille »

Par ailleurs, d’autres témoignage­s de SDF, décédés depuis pour la plupart, mentionnen­t notamment des « tirs de pistolet à plomb » , des « morsures de chien » , l’obligation de « manger de la pâtée » ou d’être « pieds nus au milieu de verre cassé » … Grand absent de l’audience ce mardi 5 septembre, le prévenu a laissé son ex- compagne répondre seule de ces faits accablants qu’elle a longtemps couverts. « Elle y a même participé » , souligne Me Gazeau. Évoquant les victimes, elle se défend : « J’étais comme eux, j’avais la trouille de Frédéric, je devais lui obéir. » Très régulièrem­ent battue elle aussi, elle assure s’être définitive­ment éloignée de Frédéric Desjardins.

Prenant en compte sa situation délicate, le tribunal la condamne à un an de prison avec sursis. Lui, en revanche, écope de trois ans et demi ferme – qui s’ajoutent aux dix mois ferme prononcés en 2015 pour violences envers sa compagne et ses enfants –, ainsi que de cinq ans d’interdicti­on de séjour à Dieppe. Le couple devra également verser 4 500 € de dommages et intérêts à Claude.

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