Du Talou aux écoles : la filière courte du lait
C’est avec un air mi-étonné mi-amusé que les écoliers dieppois ont découvert un matin de rentrée la distribution du verre de lait chaud à l’école. Nous sommes en 1954. Ces enfants-là sont les baby boomers mais ils ne le savent pas encore. Ils doivent l’épisode du verre de lait à une décision du Président du Conseil Pierre Mendès-France, mais ils ne le savent probablement pas non plus.
Après la récréation du matin, on se dirige en rang vers les tables où sont alignés les verres Duralex qu’une dame de service remplit un à un. Le Président s’est adressé à ses « p’tits amis » pour être « studieux, solides, forts et vigoureux, buvez du lait. »
Peu après la Seconde Guerre mondiale, la préfecture de Seine Inférieure avait déjà imposé que du lait pasteurisé soit fourni aux communes de plus de 10 000 habitants. Ça tombait bien ! André Voisin, un ingénieur agronome et agriculteur de Gruchetsur-Arques, avait déjà fondé une petite coopérative laitière, la coopérative du Talou.
Devant une demande de plus en plus forte, la petite entreprise artisanale doit s’agrandir et au tournant des années 50, elle investit des locaux neufs rue de Stalingrad sur l’actuelle zone du Talou. L’objectif est de produire un lait de qualité accessible à tous, en particulier aux enfants qui avaient souffert de carences alimentaires pendant la guerre. La laiterie fonctionne à plein régime et deux fois par jour, des brocs de 20 litres sont collectés chez les producteurs entre Neufchâtel-en-Bray et Saint Valery-en -Caux.
Une opportunité qui permet aux habitants d’avoir du lait frais et local. Un exemple de filière courte avant l’heure et le camion siglé Talou qui vient livrer ses casiers de bouteilles de verre rondes aux capsules rouges fait désormais partie du paysage familier cher aux Dieppois. Les crémeries ou épiceries de quartier les distribuent aux particuliers.
Quand Pierre Mendès-France a institué l’épisode du verre de lait à l’école, la coopérative laitière dotée de matériel moderne faisait figure d’avant-garde. Un rituel pour nos petits écoliers du baby-boom qui à l’issue d’une récré mouvementée posaient leurs doigts engourdis sur le verre de lait chaud.