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Un pêcheur dans les rochers

Ces jours-ci, la mer étant vraiment basse et suffisamme­nt chaude, les pêcheurs à pied vont retrouver les rochers en quête de crevettes. Thomas Nourry pêche depuis l’enfance à Saussemare, entre Saint-Aubin et Sotteville, avec le même ravissemen­t.

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La mer s’étant retirée à plus d’une centaine de mètres des falaises, l’espace a une tout autre dimension. Lorsque la mer est pleine, le paysage est entièremen­t marin. Mais lors des grandes marées, l’immense plage de sable de Saint-Aubin apparaît, les lits de craie et de silex affleurent, le grès, les rochers…

Au mois de novembre, ni baigneurs ni bronzage, mais des promeneurs surtout qui, profitant de la grandeur et de l’espace, ont l’air lointains et rares. Et là-bas, l’eau jusqu’à la taille, dans un coin que Thomas Nourry appelle « le bonnet de coton » , des pêcheurs à pied dont Thomas Nourry qui, ce vendredi 3 novembre, pêche à la balance. Entre les rochers, il cherche du bouquet, « la salicoque, dit-il, en terme local » .

Thomas Nourry habite Sotteville. Auprès des rochers immuables de Saussemare, il pêche depuis l’enfance. Une passion qui dure. Au coeur de la nature, avec ces rochers que Thomas Nourry appelle par leurs noms, transmis de génération en génération, le pêcheur évoque un « émerveille­ment » .

Il observe en faisant corps avec la nature et garde cette innocence qui lui fait dire : « On profite du paysage et du suspense quand on relève son filet » . Cette pêche, qui peut durer jusqu’à trois heures en fonction des marées, a les rochers pour soleil, car les crevettes tournent autour pour s’y nourrir.

Ce jour- là, l’eau est claire et « quand l’eau est claire, c’est la galère, dit le pêcheur. Les crevettes se planquent » . Mieux vaut l’eau trouble. Une bonne pêche ? « Ça peut aller de 800 g à 1 kg de crevettes » , pèse-t-il. Trois heures de pêche qui seront consommées en quelques minutes à l’apéritif, car la pêche est aussi une question de goût. Qu’est-ce qui distingue une crevette sauvage d’une crevette d’élevage ? « C’est comme le foie gras et le pâté » , lance le pêcheur.

Appâter, pêcher, penser…

Dès qu’il gèle, la saison est terminée. Thomas Nourry explique : « Les crevettes partiront au large au fond de la mer où elle est plus chaude. On dit qu’il faut environ 12 degrés minimum pour que la pêche puisse commencer. »

La pêche est toujours tributaire des circonstan­ces. Avec la nature, nul ne sait de quoi demain sera fait. La mer, à son image, réserve bien des surprises au pêcheur dont le plaisir est d’aller ainsi de découverte en découverte.

Si un poisson vient à passer par son filet, Thomas Nourry en fait une amorce pour les crevettes. Il trouve un crabe auquel il manque deux pattes. Il servira d’appât. Naturellem­ent, « sans état d’âme » , reconnaît- il. Il retire les pattes restantes, coupe la tête en deux afin d’exposer la chair aux crevettes qui vont se régaler.

Thomas Nourry n’a encore trouvé ni trésors ni crâne de pirate serti de pierres précieuses. Mais la mer entière est précieuse. En pêchant ainsi loin de tout, au rythme de la nature, dans un silence rafraîchis­sant que l’immensité amplifie, il déclare : « Je pense à autre chose et en même temps pense beaucoup » .

Il se souvient de problèmes impossible­s à résoudre au travail qui trouvaient leur solution en pêchant. La mer est précieuse et ses vertus innombrabl­es. Il paraîtrait même, à qui sait l’entendre, qu’elle a toujours le dernier mot.

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