Le pêcheur en eau douce brave toutes les interdictions
Un Rouennais a été condamné, vendredi dernier, pour avoir pêché des anguilles dans l’Arques à Rouxmesnil-Bouteilles. Ce qui est interdit. Pendant cette nuit de pêche, il s’est surtout alcoolisé sur le rivage avant de reprendre le volant au petit matin…
Ce Rouennais avait promis à deux membres de sa famille qui habitent dans le pays de Bray qu’il les emmènerait un jour à la pêche à Dieppe. Le 30 juin dernier, il a tenu sa promesse et le trio est venu dans la ville aux quatre ports équipé de sept cannes à pêche. Seul bémol : la jetée ouest était à cette époquelà interdite d’accès à tout public. Le trio s’est alors rendu à Rouxmesnil-Bouteilles, à proximité du centre de formations d’apprentis, pour pêcher le long de l’Arques. Si la nuit fut douce et pleine d’ivresse sur le rivage, la sortie familiale a pris une autre allure au petit matin.
Vendredi dernier, le président du tribunal correctionnel de Dieppe a raconté le déroulé de l’interpellation : « Les policiers vous ont contrôlé au niveau du pont Colbert à 7 h 20. Vous avez été soumis à un dépistage d’alcoolémie qui s’est révélé positif, expose- t-il. Vous présentiez un taux de 0,94 g par litre de sang et vous avez été dépisté positif aux produits stupéfiants » . Les policiers ont également découvert dans la voiture les cannes à pêches ainsi qu’un seau contenant six anguilles.
Anguilles protégées
« Je ne connaissais pas le coin et je ne pratique pas la pêche en rivière. Habituellement, je vais pêcher en mer ou en pisciculture, se défend le prévenu. On a fait chacun deux anguilles » . Les deux autres membres de sa famille ont écopé d’une amende de 4e catégorie pour cette pêche : ils ne sont pas titulaires d’un permis de pêche, la pêche nocturne en eaux douces est ici interdite et surtout, les anguilles euro- péennes sont protégées, elles sont interdites à la pêche en Seine- Maritime par un arrêté préfectoral. « Je ne savais pas que l’anguille était une espèce protégée, je ne suis pas un professionnel de la pêche » se désole-t-il.
À la barre, le prévenu a indiqué que les anguilles étaient destinées à sa consommation personnelle. Certes. Mais… « les anguilles sont interdites aux transports et à la consommation à cause d’une forte teneur en PCB [ polychlorobiphényles] » signale le représentant de l’Association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Dieppe et de la Fédération de Seine-Maritime pour la pêche et la protection aquatique. Il a d’ailleurs réclamé 300 € de dommages et intérêts pour chacune des associations.
« La fédération finance la réintroduction des anguilles dans les fleuves normands, poursuit-il. Dès 2010 et pendant trois ans, nous avons acheté des petites anguilles à des pêcheurs professionnels pour qu’elles se reproduisent et reviennent dans nos rivières. Ça représente un investissement de 21 000 €. Nous avons financé aussi d’importants travaux sur les cours d’eau pour faciliter la circulation de ses poissons » .
« Vous êtes un vrai danger »
Outre l’aspect pêche, le tribunal correctionnel de Dieppe a voulu entendre aussi le prévenu sur sa conduite en ayant fait usage de produits stupéfiants et en ayant bu de l’alcool. Le Rouennais âgé de 40 ans est de plus sous le coup de la récidive légale. « J’ai fumé tranquillement du cannabis en pêchant et on a bu chacun quatre bières » , admet-il.
« Vous avez conscience des conséquences que peuvent produire l’alcool et les stupéfiants au volant, c’est inquiétant, pointe la procureure de la République. Vous êtes un vrai danger quand vous êtes derrière le volant. La justice doit mettre fin à cette spirale ; à la lecture de votre casier judiciaire, vous n’êtes pas un consommateur occasionnel » .
Elle requiert une peine mixte : six mois de prison dont deux avec sursis assortis d’une à l’épreuve pendant deux ans, d’une obligation de soins et de travailler ; trois amendes de 200 € chacune et une annulation du permis de conduire sont également demandées.
L’avocat du prévenu a invité le tribunal « à prendre avec mesure » l’infraction au code de la pêche. Il a également évoqué les addictions de son client : « Sa consommation d’alcool et de stupéfiant a commencé quand il était jeune. Aujourd’hui, il ne touche plus au cannabis, mais il a plus de mal à se débarrasser de l’alcool. Il a besoin de soins, ce n’est pas un délinquant de l’habitude » .
L’avocat et la procureure de la République ont été partiellement entendus ; le tribunal a condamné le prévenu à quatre mois de prison dont deux assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve pendant deux ans, d’une obligation de soins, de travailler et d’indemniser les deux parties civiles à hauteur de 200 € chacune. Le tribunal a également constaté l’annulation du permis de conduire.
Les parties disposent d’un délai de dix jours pour faire appel de cette condamnation.