Paris port de mer
Nous sommes le 9 mars 1918 et la lettre a jeté un froid polaire chez les Messieurs de la chambre de commerce. Le ton est vif, méprisant. Écrite par un haut gradé de l’armée américaine, elle assassine le projet déjà ancien d’un canal reliant Dieppe à Paris.
« Vous ne ferez jamais croire à un ingénieur qu’il y ait avantage à creuser un canal quand on a une aussi admirable voie de communication que la Seine […] Au point de vue des transports maritimes, la mer pour Paris, c’est Rouen, or Rouen est plus près de Paris que Dieppe »
À Dieppe, on le veut ce canal qui, partant de la vallée de l’Arques passera par Beauvais et fera monter en puissance le commerce entre le port et la capitale.
Depuis 1780, la controverse a fait couler de l’encre mais la chambre de commerce ne désarme pas et relance le projet en espérant cette fois le faire aboutir dans le cadre du grand chantier « Paris port de Mer » né il y a 50 ans. En 1869, l’ingénieur Lebreton avait même prévu au départ du canal un port militaire et de refuge « entre Arques et Martigny, au confluent de la Varenne et de la Béthune ». Mais la guerre de 1870 mit fin à ses ambitions.
Nous sommes maintenant en janvier 1919 et toujours pas de canal vers l’Oise en vue ! On reprend les arguments déjà développés face aux détracteurs qui soulignent la folie de cette entreprise et son coût exorbitant. Les partisans insistent. « Un canal aménagé d’écluses partant de Dieppe mettrait Paris à 193 km de la Manche, tandis que la distance du Havre à la capitale par la Seine est de 350 km ».
Une proximité non négligeable qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale permet ce constat local. « Si le canal avait existé, le ravitaillement de Paris en céréales, en combustibles et en produits bruts anglais n’aurait pas subi les arrêts qui lui ont été imposés par les crues d’automne et de printemps de la Seine, les glaces de février 1917, l’encombrement du port de Rouen et l’insuffisance de débit des écluses entre Rouen et Paris ».
Le désir de faire de Dieppe une place stratégique entre Londres et Paris anime les commerçants et industriels favorables au creusement du canal. Ils seront déçus. En 1921, le projet est définitivement abandonné par décision ministérielle.