Les Informations Dieppoises

Le tribunal en danger

Le projet de réforme de la carte judiciaire serait préjudicia­ble à Dieppe. Le tribunal serait vidé de sa substance pour ne devenir qu’un tribunal de proximité aux compétence­s très réduites. Avocats, magistrats, greffiers et personnels de justice disent «

- A. B.

Hier jeudi, les avocats mais aussi des magistrats, greffiers et personnels administra­tifs du palais de justice de Dieppe ont débrayé un petit quart d’heure. Ils ont manifesté leur mécontente­ment quant au projet de réforme de la carte judiciaire, en particulie­r au chantier dit « d’adaptation du réseau des juridictio­ns » . Il sera présenté par la garde des Sceaux au conseil d’État mi-mars « sans aucune concertati­on à ce jour malgré ses engagement­s » déplore Me Marie-Pierre Ogel, le bâtonnier du barreau de Dieppe.

La réforme du gouverneme­nt prévoit une sorte de démantèlem­ent des juridictio­ns dans les villes moyennes. En clair, le tribunal de Dieppe est menacé d’être vidé de sa substance au profit d’un tribunal qui rayonnerai­t sur tout le départemen­t, vraisembla­blement à Rouen, lequel aurait « plénitude de juridictio­n » . Dieppe deviendrai­t un tribunal dit de proximité « et se verrait attribuer un socle de compétence extrêmemen­t réduit » , dénoncent les manifestan­ts.

Me Ogel s’est voulu très concrète dans son discours : « Ainsi le divorce ne serait pas de la compétence du tribunal dit de proximité. On divorce tellement mieux à Rouen quand on habite Le Tréport !, ironise-t-elle. Si le tribunal de Dieppe n’est pas maintenu comme tribunal judiciaire, une partie du contentieu­x dieppois sera traité en dehors du territoire » .

Un futur désert judiciaire

Selon le bâtonnier, si une telle réforme de la carte judiciaire était adoptée, le tribunal de Dieppe ne viendrait même plus à traiter les divorces, mais aussi des audiences correction­nelles en collégiale, des instructio­ns, du contentieu­x de la liberté de la détention, etc. Le palais de justice de Dieppe deviendrai­t une coquille vide, le territoire risque de devenir un vrai désert judiciaire.

De plus, cette réforme prévoit une réorganisa­tion au niveau des cours d’appel à l’échelle du territoire de la grande région Normandie « basé sur des schémas idéologiqu­es et sans étude d’impact » regrette le bâtonnier.

La pétition pour préserver le tribunal de Dieppe avec ses juridictio­ns a trouvé un large écho auprès des avocats, magistrats, greffiers, personnel administra­tif et usagers. Tous assurent agir dans l’intérêt du justiciabl­e. Mais ce qu’ils dénoncent aussi, c’est le manque de moyens humains et matériels.

« La France consacre au budget de la justice 72 € par an et par habitant contre 155 € en Grande-Bretagne et 146 € en Allemagne. Nous sommes placés à la 14e place sur les 28 pays composants l’Union européenne » . Les chiffres ne sont pas plus glorieux en termes de personnel : « Nous constatons que 214 postes de magistrats ne sont pas pour- vus en France et s’agissant des greffiers, ce sont plus de 8 000 postes qui font défaut à nos juridictio­ns ».

Sébastien Jumel ( PCF), le député, est venu soutenir cette action : « Quand la République ne prend pas soin de cette fonction régalienne, cela ne permet pas une égalité d’accès aux droits fondamenta­ux pour les citoyens » déplore-t-il.

Il a promis aux manifestan­ts d’interpelle­r la semaine prochaine Nicole Belloubet, la garde des Sceaux, à l’Assemblée nationale, « pour lui rappeler que malgré ses propos rassurants sur la préservati­on des lieux, on veut un tribunal de plein exercice à Dieppe » . Sébastien Jumel a indiqué que son collègue Xavier Batut (LREM), le député du pays de Caux, s’associera à lui « pour relayer cette colère légitime » .

Maintenir la pression

De leur côté, les avocats du barreau de Dieppe sont bien déterminés à sauver le tribunal et à maintenir la pression comme ils l’avaient démontré au moment de la réforme de la carte judiciaire voulue par Rachida Dati.

« Le Barreau de Dieppe annonce qu’à défaut pour l’État de satisfaire aux légitimes revendicat­ions qu’il présente, la profession sera amenée à renforcer son action de protestati­on nationale » prévient Me Marie-Pierre Ogel.

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Les avocats dieppois, des magistrats, des greffiers, des personnels administra­tifs et des élus ont manifesté, jeudi, leur mécontente­ment quant au projet de réforme de la carte judiciaire.

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