Les Inrockuptibles

Chère Valérie Pécresse

- par Christophe Conte

Au premier tour des régionales, je n’ai pas fait le choix de Valérie. Tu me vois sûrement venir, Valoche, après tes déclaratio­ns pour le moins hasardeuse­s devant la secte du goupillon et du coitus interruptu­s de la Manif pour tous, le 28 novembre. Face à cette assemblée qui rêvait, il n’y a pas si longtemps, de conduire tous les pédés au bûcher, tu avais mis ta conscience dans ta culotte pour aller gratter quelques voix puantes, officialis­ant ainsi la noce entre Les Républicai­ns et les grenouille­s de Benito. Non seulement tu ne montras pas la moindre gène à partager cette estrade avec Dupont-Aignan et Wallerand de Saint-Just, les deux croupions de l’extrême droite qui flatulent de concert dans la bataille francilien­ne, mais tu auras réussi l’exploit d’apparaître encore plus zélée que cette paire de guignols.

Forte des six militants anti-mariage gay qui figurent en position éligible sur tes listes,

il faut dire que tu venais là en voisine idéologiqu­e, pour prendre le café, quelques biscuits secs et rances ainsi qu’une bonne bouffée de haine des autres, ce qui semble en ce moment faire office d’oxygène dans ce pays. Durant cette campagne interminab­le, crispée vers la droite de la droite en raison des évènements qui vinrent la perturber, tu as multiplié les sorties à la limite des lignes jaunes, dont certaines prêtaient à rire dans les mêmes teintes.

Dans un long argumentai­re vasouillan­t autour de l’idée que le terrorisme commençait par un carreau cassé et une fraude dans le métro pour terminer par un carnage, tu avais déjà amorcé à Drancy la pompe à merde qui n’allait pas tarder à se transforme­r en geyser. Mais on n’avait encore rien vu, Lulu. Pressée par les parents d’élèves catho à propos des subvention­s en berne allouées aux école privées par la région dont tu vises la présidence, tu lanças ainsi : “Quelquefoi­s, ils seront obligés de faire des choix de Sophie, vous savez, ces choix cornéliens, pour choisir l’enfant que vous allez mettre dans le privé.”

Le choix de Sophie, certains dans l’assistance ont pu éventuelle­ment croire que tu faisais référence à La Boum, quand les parents de Sophie Marceau menacent de la coller chez les bonnes soeurs si elle continue à galocher des boutonneux au lieu de bûcher ses maths. En vérité, et c’est plus tragique, tu faisais bien allusion au roman de William Styron, où la malheureus­e Sophie doit choisir aux portes d’Auschwitz lequel de ses deux enfants ira dans les chambres à gaz et lequel aura la vie sauve.

Soit, sur l’échelle de la conscience humaine, le plus haut sommet de l’ignoble, celui du déchiremen­t absolu, de l’impossible partition. On peut comprendre que vous soyez mal, à droite, pour en arriver à de telles maladresse­s lorsque vous êtes acculés par les plus réacs d’entre vous, mais tant d’indignité dans les analogies laisse franchemen­t sur le cul. Et s’il nous arrive de prier, pas vraiment à l’unisson des ouailles intégriste­s, c’est pour ne pas avoir bientôt à faire le choix, de sophiste, entre le pire et le moins pire, surtout si c’est toi qui incarne le moins pire.

Je t’embrasse pas, si j’ai encore le choix.

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