Le revival des années 2000
Oubliées les nineties : c’est au tour de la jeunesse du début du siècle d’effectuer son grand retour.
C’était avant-hier et pourtant déjà demain : voici une femme d’un passé proche et d’un futur immédiat, arborant un look façon années 2000 (ou “noughties” comme le disent nos amis outre-Atlantique), qui vous rhabillera cet été. Elle sort tout droit du dernier défilé du créateur Esteban Cortazar, et sa tenue est un joyeux mash-up des références de la jeunesse alors à l’aube du nouveau millénaire.
Commençons par ses nattes plaquées : garçonnes bien qu’enrubannées, elles entremêlent la rudesse d’Hilary Swank dans Million Dollar Baby de Clint Eastwood (2004) et la pop enfantine de Gwen Stefani. Son ventre musclé rappelle une tonicité enthousiasmée et sexy, façon Christina Aguilera, avant l’arrivée du rock et de son “héroïne chic” à la maigreur maladive. Ses mitaines comme son pantalon baggy citent un milieu de danse et de street culture, évoquant une énergie fédératrice et démocratique. Ses sandales à plate-forme ornées de cristaux Swarovski suggéreraient, elles, qu’un peu de bling au quotidien ne peut pas faire de mal.
Ainsi, ce petit extraterrestre paraît flotter à tout jamais dans les prémisses du cyberespace,
lieu symbolique et idéalisé : elle communique par Nokia 3310, sur Caramail, et flirte sur MSN Messenger. Surtout, elle a une vision de soi préselfie, un goût de la romance préSnapChat. Elle sait aussi que l’argent existe, non loin, car la crise n’a pas encore éclaté – si elle en doute, il lui suffit de regarder American Psycho de Mary Harron (2000) ou Sex & the City. Peu étonnant, donc, dans un monde aussi appauvri que connecté, que des créateurs qui avaient eux-mêmes 15 ans il y a quinze ans rêvassent de leur adolescence. Christelle Kocher, et sa marque street couture Koché, semble voir Alicia Keys et Aaliyah dans ses looks aux formes aussi sensuelles que garçonnes. L’Américain Adam Andrascik, à la tête de Guy Laroche, évoque, lui, un chic sportif et un poil militaire façon Donnie Darko de Richard Kelly (2001), mâtiné de caleçons dépassant de pantalons amples, assortis de grosses chaînes (pour le portefeuille dans la poche arrière, évidemment). Ces designers dévoilent ainsi, par leurs créations nostalgiques mais toniques, le désir de corps en quête de teufs lointaines ou de missions 1.0., plutôt qu’en recherche de likes. Alice Pfeiffer