Les Inrockuptibles

Au coeur de l’océan de Ron Howard

Variation sur la genèse de avec quelques scènes de chasse à la baleine d’une grande puissance plastique.

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Moby Dick,

Chris Hemsworth

En 1850, le jeune écrivain Herman Melville (Ben Whishaw) arrive sur l’île de Nantucket, au large de La Nouvelle-Angleterre. Il vient y rencontrer un ancien pêcheur de baleine, Thomas Nickerson (Brendan Gleeson), sur qui il compte pour lui raconter l’histoire du baleinier Essex, qui, trente ans plus tôt, sombra corps et biens, poursuivi et attaqué sans pitié ni relâche par un cachalot tout pelé. D’abord rétif, le vieil homme commence son récit.

Il y a plusieurs films dans le nouveau film de Ron Howard, dont certains sont plus réussis que d’autres. D’abord, plutôt rigolote, la ligne psychanaly­tique : Nickerson, le témoin des faits, boit parce qu’il n’a jamais réussi à dire à qui que ce soit qu’il avait été un jour contraint de manger de la chair humaine pour survivre… Le dire va le sauver (le film le dit), et il est même près, à la fin du film, de redonner à Melville l’argent qu’il lui a demandé pour raconter les mésaventur­es de l’Essex…

Autre fil, moins habile, le récit psychologi­que, qui fait, comme dans la plupart des films hollywoodi­ens, avancer l’action par conflits successifs, la plupart du temps artificiel­s. Il est assez lassant (pour cause de “déjà-vu”) de voir ainsi se constituer des disputes fallacieus­es à chaque scène.

Il y a le film de pirates sans pirates, le film de cape et d’épée naval qui met en rivalité classique le noble et le va-nu-pieds, incarnés par deux beaux acteurs aux corps athlétique­s (Walker et Hemsworth) qui vont se perdre sur une mer sans fin. Le radeau de La Méduse terrassée par une baleine…

Il y a aussi le film pédagogiqu­e, à la fois sur la chasse à la baleine (quasi rossellini­enne) et sur l’histoire littéraire. Herman Melville a composé ce chefd’oeuvre de la littératur­e mondiale qu’est Moby Dick (et non un livre d’aventures pour enfants, comme certains le croient encore en France) en s’inspirant de faits réels. Ils sont admirablem­ent reconstitu­és, notamment grâce au numérique (Rossellini aimait beaucoup les effets spéciaux, rappelons-le). L’image sépia est un peu laide, mais la puissance effrayante dégagée par les cachalots virtuels rendent parfaiteme­nt compte de l’ampleur métaphysiq­ue de Moby Dick. Qui est ce monstre ? Pourquoi cette haine contre l’homme ? Melville restait dans le flou, dans l’indicible et c’était génial.

Howard et ses scénariste­s esquissent, sans jamais trop insister, une réponse bien de notre temps : celle de la vengeance des animaux contre les hommes qui détruisent toutes les autres formes terrestres de vie que la leur, pour leur propre et égoïste confort. Jamais les personnage­s d’Au coeur de l’océan, quand ils se demandent pourquoi ce cachalot leur en veut autant, ne songent à la vengeance. Et cette idée de scénario est assez belle. Jean-Baptiste Morain Au coeur de l’océan de Ron Howard, avec Chris Hemsworth, Ben Whishaw, Benjamin Walker (E.-U., 2015, 2 h 01)

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