Le palais de la mémoire
Avec Le Château de Barbe-Bleue et La Voix humaine, Krzysztof Warlikowski réunit Bartók et Poulenc et invente une oeuvre hybride où s’exprime avec passion la cruauté liée au désir d’aimer.
C’est dans l’écrin du palais Garnier que le chef EsaPekka Salonen et le metteur en scène Krzysztof Warlikowski unissent leurs talents en créant Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók et La Voix humaine de Francis Poulenc, dans un formidable fondu enchaîné qui dévoile le courant souterrain qui les unit : la douleur de femmes amoureuses à mesure que se révèle la cruauté de leur amant.
Et pourtant… Merveille de l’illusion. Beauté du transport de l’amour où l’on ne touche plus terre et qui rend l’aimé capable de tous les prodiges. C’est sur un tour de magie que s’ouvre le prologue de l’opéra en un acte de Béla Bartók, réunissant les trois personnages du diptyque : Barbe-Bleue (John Relyea), en prestidigitateur, fait léviter son assistante (Barbara Hannigan, qui incarne le personnage d’Elle dans La Voix humaine), devant Judith, sa quatrième femme
Répétitions de (Ekaterina Gubanova), assise au premier rang du public. Sous le regard, aussi, d’un enfant filmé en gros plan, au visage angélique où perlent des gouttes de sang, qui s’accorde avec l’annonce du prologue : “La joie est brève, tout n’est que rêve ; on aime, on souffre et le destin se rit de nous, frappe soudain.”
Trait commun à ces deux opéras, l’enfermement spatial est la réplique exacte de l’état émotionnel des personnages, dont la musique se fait la chambre d’écho. Dans Le Château de Barbe-Bleue, le librettiste Béla Balázs transforme le duc sanguinaire du conte de Charles Perrault en