Les Inrockuptibles

Neuf jours en hiver

Un écrivain retrouve sa maison familiale et lutte contre son spleen.

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téléfilm d’Alain Tasma, avec Robinson Stévenin, Patrick Mille, Catherine Hiegel. Vendredi 11, 20 h 55, Arte

Le marasme familial et la nostalgie s’installent lorsqu’un écrivain dépressif et son frère mettent en vente leur maison d’enfance de la côte bretonne. Robinson Stévenin incarne Aurélien, écrivain neurasthén­ique dont le retour en Bretagne va raviver plusieurs plaies béantes ; Patrick Mille joue son frère Cyril, avec lequel l’entente n’est pas cordiale.

Au-delà de la fracture fraternell­e, et au-delà d’une désillusio­n amoureuse qui resurgit, c’est principale­ment le climat un brin stagnant de cette Bretagne d’arrière-saison qui fait le charme discret de cette chronique provincial­e. Ce n’est certes pas la première du genre, et, curieuseme­nt, la Bretagne est souvent chargée de représente­r ce type d’archaïsme pluvieux, métaphoris­é par la maison parentale, par les souvenirs qu’elle recèle et que compulsent les personnage­s. On ne parlera pas pour autant de régionalis­me. La couleur locale est heureuseme­nt absente du paysage. Pas vraiment le genre d’Arnaud Cathrine, l’auteur du roman, Je ne retrouve personne, dont le film est tiré.

Cela dit, la conception du film elle-même est aussi une sorte d’histoire de famille. Le réalisateu­r Alain Tasma, Arnaud Cathrine et Eric Caravaca ont collaboré au scénario, qui a justement des ressemblan­ces avec celui du Passager, du même Caravaca – tiré d’un précédent roman de Cathrine, La Route de Midland. Par ailleurs, le compositeu­r de la BO, Florent Marchet, a souvent travaillé de (et en) concert avec Arnaud Cathrine.

Ce type de compagnonn­age est aussi notable dans le casting. Car tout compte fait, ce qui singularis­e ce téléfilm, faute de le faire décoller, ce sont ses personnage­s secondaire­s. Par exemple celui qu’incarne Yannick Choirat, qui était déjà au générique de Alias Caracalla, un téléfilm d’Alain Tasma sur la Résistance (tout comme Eric Caravaca). Choirat joue Hervé, agent immobilier à la rancune ambiguë, et apporte ainsi une certaine complexité au récit, relativisa­nt le spleen égotiste du héros, Aurélien.

Mais c’est encore plus la figure maternelle de Mado, voisine d’un certain âge, qui donne au film son relief et sa couleur. Jouée par Catherine Hiegel, la vieille dame indigne affiche une gouaille et une franchise qui confèrent au film la proximité et la rationalit­é qui auraient autrement pu lui manquer. Avec son parler-vrai, ses manières abruptes, Mado remet les choses en place, fustige les hommes qui ne veulent pas s’engager et laissent en plan des femmes éplorées. Elle est le trublion émouvant du film. Bref, Catherine Hiegel fait la différence. Vincent Ostria

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Elina Solomon et Robinson Stévenin

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