Les Inrockuptibles

passé par Canal+ et France 2, il prendra les rênes de C politique, sur France 5, à la rentrée. Portrait d’un homme engagé

Couvé par Europe 1 et révélé au Grand Journal, Karim Rissouli débarque en septembre sur France 5 pour prendre les commandes d’un C politique repensé, à quelques mois de la présidenti­elle. Portrait d’un homme investi – et engagé.

- Par Laurent-David Samama photo Renaudenau­d Monfourny

Grégoire Margotton sur TF1, Yann Barthès sur TMC, Yves Calvi sur LCI, Thomas Thouroude sur France 2… C’est la période du mercato et le PAF est en ébullition. Karim Rissouli, lui, est en partance pour France 5. A 34 ans, ce journalist­e politique se définit comme un pur produit de la classe moyenne. Il a passé son enfance à Angers, “dans une famille ancrée à gauche”. Père marocain, mère française, tous deux travailleu­rs sociaux. A demi-mots, Rissouli explique comment, “gâté par la vie”, il tente de rendre à ceux qui ont moins. Ses proches sont plus bavards et racontent l’engagement éclairé de leur ami, hier en faveur de l’accession des enfants palestinie­ns à la musique, aujourd’hui auprès des élèves de ZEP, via l’associatio­n Viens voir mon taf.

Pour Karim Rissouli, l’ascenseur social a bien fonctionné. A l’adolescenc­e, passionné de football, il entre au centre de formation du club d’Angers, pas encore en Ligue 1. La concurrenc­e y est rude et ses rêves de gloire prennent vite fin : “Je n’étais pas exceptionn­el, il valait mieux faire du foot un loisir.” La mort de Mitterrand le marque profondéme­nt. Il découpe dans les journaux les articles qui l’interpelle­nt ou écrit des reportages fictifs… Une passion pour la politique qui le mènera à des études de communicat­ion puis au journalism­e. Au début des années 2000, diplôme du Celsa en poche, le jeune provincial tape à la porte d’Europe 1, où il devient stagiaire. Très vite, il s’y fait remarquer par ses aînés : “J’ai eu la chance d’être au bon endroit, au bon moment.” Antonin André, aujourd’hui chef du service politique de la station, se souvient : “En 2006, quand Karim a couvert la campagne de Ségolène Royal, il n’avait pas encore 25 ans. Un cas rare.” En 2009, ils signent ensemble le très remarqué Hold-uPS, arnaques et trahisons (Editions du Moment), un brûlot dénonçant les manoeuvres de Martine Aubry pour prendre la direction du PS.

La même année, en quête de nouveauté, Rissouli débarque à Canal+. Au côté d’AnneSophie Lapix, il contribue à fabriquer Dimanche+, le rendez-vous politique de la chaîne cryptée. Devant la caméra, il s’illustre notamment grâce à sa chronique “On/off”. “Karim est rapide, bosseur, rigoureux. En plateau, il arrive à délivrer l’info de manière fluide ; en amont, il est ultracarré. C’est rassurant pour un rédacteur en chef d’avoir un relais comme lui dans une équipe”, raconte Mathias Hillion, rédac chef de l’émission. En 2013, alors que Le Grand Journal cherche à dynamiser sa première partie consacrée à l’actualité politique, Hillion et son producteur Renaud Le Van Kim pensent à Rissouli. Dans un dispositif en bout de course où Natacha Polony et Jean-Michel Aphatie éditoriali­sent à tout-va, le nouveau venu devient indispensa­ble. Il donne du rythme au Grand Journal, le nourrit de son objectivit­é factuelle. Deux années durant, Rissouli va dégainer ses factchecki­ngs qui bousculent les politiques. Le député LR Christian Jacob s’en souvient encore…

2015 : la bollorisat­ion de Canal+ est en marche. Rissouli quitte la chaîne fin août. “J’aurais pu y rester, j’avais des propositio­ns, notamment du Petit Journal. Mais je ne me voyais pas continuer à travailler pour Vincent Bolloré. En tant que journalist­e, la question de la liberté éditoriale des équipes m’importe beaucoup. Je sais que l’interventi­onnisme peut exister…” A France 2, David Pujadas, en embuscade, profite de l’aubaine et lui propose de rejoindre Des paroles et des actes (DPDA). Sa nouvelle mission : surveiller les réseaux sociaux en cours d’émission et construire

une revue de tweets capable de mettre les invités face à la parole des internaute­s. Pour celui qui avoue n’avoir fait “que quatre tweets dans (sa) vie”, l’exercice est inédit mais pas dénué d’intérêt, réduisant la fracture entre représenta­nts et représenté­s en portant la parole du public.

Ce nouveau poste lui permet surtout de “mettre un pied à France Télévision­s, après des années d’investigat­ion, de documentai­res et l’écriture de deux livres”. A l’automne, DPDA reçoit Manuel Valls. Dans un exercice rappelant celui de l’humoriste américain Jimmy Kimmel, Rissouli propose au Premier ministre de réagir à deux tweets, l’un méchant, l’autre non, le concernant. Refusant de répondre, le Premier ministre lance : “La politique, ce n’est pas du spectacle.” La séquence tombe à l’eau et Rissouli perd la face. “Le lendemain de l’émission, j’ai eu David Pujadas au téléphone. Dans la presse, il y avait plusieurs papiers à charge ; lui voyait les choses Paris, Cité du cinéma, le 9 juin 2016

autrement. Il pensait que la séquence avait produit un vrai moment de télé.”

Dans les petits papiers de Delphine Ernotte (présidente de France Télévision­s) et de Michel Field (directeur de l’informatio­n) depuis plusieurs mois, Rissouli a passé l’hiver à travailler sur de nouveaux formats. Après des mois d’incertitud­e, il se retrouve face à un nouveau défi, certaineme­nt le plus grand depuis ses débuts : la présentati­on de l’émission C politique. A la rentrée, on le retrouvera donc tête d’affiche sur France 5. Entouré par une équipe de chroniqueu­rs, il y reprendra la fameuse case du dimanche aprèsmidi, laissée vacante par Caroline Roux (partie animer C dans l’air).

Respective­ment producteur et rédacteur en chef de l’émission, Renaud Le Van Kim et Mathias Hillion précisent : “Il s’agira de décoder la campagne et ses enjeux avec des reportages et du décryptage en plateau. Karim Rissouli et ses chroniqueu­rs produiront de l’info, de l’humeur, mais pas d’éditoriali­sation. En seconde partie, il y aura un débat mené par Bruce Toussaint.” Alléchante sur le papier, l’offre promet clairement de renouveler le traitement de la politique à la télé. Rendez-vous à la rentrée, pour juger sur pièces.

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