Les Inrockuptibles

La french touch animée

Une série documentai­re suit la success story du cinéma d’animation français, qui prend de l’ampleur sans sacrifier sa créativité.

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Au moment où le festival du cinéma d’animation d’Annecy bat son plein (jusqu’au 18 juin), un documentai­re de trois heures en trois volets fait le point sur l’état florissant de la production nationale dans ce domaine, qui est la première en Europe. Les raisons de ce succès sont multiples mais, comme le souligne Marcel Jean, directeur artistique du festival, cela tient avant tout à la politique culturelle de l’Etat, qui subvention­ne la création cinématogr­aphique en général et a favorisé l’éclosion de nombreuses écoles d’animation.

La première partie du documentai­re, “Le dessin animé après Paul Grimault”, est historique. On remonte aux origines, à Emile Cohl, père du dessin animé français, et même au Théâtre optique d’Emile Reynaud (1892). Mais l’accent est bien sûr mis sur Paul Grimault, qui est un peu le Walt Disney français, et a préfiguré Hayao Miyazaki, un de ses grands admirateur­s. En France, sa postérité est foisonnant­e (des Triplettes de Belleville de Sylvain Chomet à Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot).

Dans le deuxième volet, “Des studios et des écoles”, on enquête sur l’enseigneme­nt de l’animation et la production, qui ont la particular­ité d’être diversifié­es et dispersées dans toute la France – contrairem­ent aux films en images réelles, presque toujours conçus à Paris.

La troisième partie, “Un cinéma de tous les possibles”, est consacrée à la prospectiv­e, à la recherche et aux nouvelles tendances du secteur. C’est le volet le plus intéressan­t, car il dépasse le simple constat sur l’excellence de l’animation française et la variété de ses structures de production. On voit comment ce domaine encore trop circonscri­t au public enfantin (dans les sociétés de production et chaînes de télé) élargit son spectre et prend de plus en plus de risques artistique­s et conceptuel­s.

Si l’animation n’a pas encore la liberté de la BD, qui depuis longtemps n’est plus réservée aux bambins,

quelques films pour adultes coproduits par la France ont secoué le cocotier, comme Persepolis et Valse avec Bachir. Ce dernier, en introduisa­nt un réalisme inédit, et en s’inspirant d’événements tragiques, a même ouvert la voie à un nouveau genre baptisé “documentai­re d’animation” qui a actuelleme­nt le vent en poupe.

Autre veine très féconde : un style graphique et matiériste proche de la peinture, aux antipodes de la ligne claire dominante. Dans ce registre résolument antiacadém­ique, la démarche d’un cinéaste comme Sébastien Laudenbach, qui refuse la 3D clinique et le système de production tayloriste des studios Disney ou Ghibli, insuffle de la poésie dans le genre. Son premier long, La Jeune Fille sans mains, a d’ailleurs été montré cette année à Cannes (à l’Acid).

De nombreux francs-tireurs font constammen­t bouger les lignes, comme par exemple Christian Volckman avec Renaissanc­e (2006), incroyable polar noir sur noir d’abord tourné en images réelles. Autant d’exemples d’une évolution permanente qui aboutira tôt ou tard à gommer les barrières entre réel et fiction, et entre dessin et image. Vincent Ostria

Le Cinéma d’animation en France documentai­re d’Alexandre Hilaire et Romain Delerps. Dimanche 19, 13 h, Ciné+ Famiz

de nombreux francs-tireurs font constammen­t bouger les lignes

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