Les Inrockuptibles

après le carton de Feu, le rappeur revient avec ses potes du S-Crew et fait voler les clichés en éclats. Entretien

Révélé avec 1995, Nekfeu est devenu un des rappeurs français les plus populaires après son carton en solo, Feu. Il revient avec son collectif de potes S-Crew pour mettre une bonne branlée à tous les clichés. Et rappeler qu’en France, “dans la rue, les gen

- par François-Luc Doyez et David Doucet photo Felipe Barbosa pour Les Inrockupti­bles

Depuis le succès de Feu, son premier album vendu à plus de 150 000 exemplaire­s, Nekfeu a définitive­ment changé de planète. En 2015, il a été l’artiste français le plus écouté sur Spotify et a même décroché une Victoire de la musique. Poids lourd du rap, Nekfeu l’était déjà, mais son aura dépasse aujourd’hui largement le cercle des fans de hip-hop. Après avoir tourné une pub incandesce­nte avec Adèle Exarchopou­los, il va faire ses premiers pas au cinéma avec Catherine Deneuve, Diane Kruger et Nicolas Duvauchell­e dans Tout nous sépare de Thierry Klifa.

Nekfeu pourrait profiter de cette starificat­ion, enchaîner les mojitos et les soirées, mais il a choisi un chemin plus altruiste. Le 1er mai, il ne donnait pas un show-case pour une marque d’alcool mais un concert quasi improvisé, place de la République à Paris, pour les militants de Nuit debout. “Ça va être à l’arrache de fou mais c’est aussi ça qu’on aime”, expliquait-il alors. Il aurait aussi pu sortir rapidement un deuxième album solo et capitalise­r sur le succès du premier. Mais il a préféré retourner en studio avec sa bande d’amis du collège, le S-Crew, avec un album au titre explicite, Destins liés, en attendant les projets de ses autres groupes et collectifs, 1995 et L’Entourage.

Dans une cour ombragée du XIe arrondisse­ment, Nekfeu, Framal, Mekra et 2zer Washington reviennent sur la genèse de cet album et sur l’amitié qui les lie. Alors que le rap français s’écrit de plus en plus au singulier, ils revendique­nt leur trajectoir­e collective. “Tout seul, tu vas plus vite, en groupe tu vas plus loin.”

Comment a débuté l’histoire du S-Crew ?

Nekfeu –

Il faut remonter au collège. Quand je suis arrivé à Paris à 11 ans, j’ai rencontré Framal et Mekra, qui sont frères. Nous étions en sixième ensemble et nous nous sommes tout de suite très bien entendus. La rencontre avec 2zer s’est faite six ans plus tard, en 2007. A l’époque, niveau rap, c’était lui le plus expériment­é.

2zer Washington – Nous nous sommes connus par la musique, mais nos affinités artistique­s allaient au-delà. Au début, S-Crew, ce n’était même pas un groupe de rap, juste une bande du XVe arrondisse­ment qui traînait ensemble et avait les mêmes délires. J’ai participé à leur première mixtape puis ils m’ont proposé de les rejoindre. J’étais hyper heureux car à l’époque je n’avais personne pour m’épauler dans l’écriture ou la recherche d’instrus. Qui a initié les autres au rap ?

Nekfeu – Au départ, nous nous y sommes mis pour rigoler. On était fans de Dragon Ball Z donc on faisait pas mal de dessins ou de graffs ensemble. Le rap n’était que l’une de nos nombreuses activités. Mekra est le premier à s’y être mis sérieuseme­nt.

Mekra – On avait un micro et on enregistra­it sur un logiciel qui s’appelait Audacity. Je passais mes nuits à bosser nos effets, à retravaill­er les instrus.

Votre nouveau single a atteint 2,7 millions de vues sur YouTube en l’espace de quinze jours. Vous vous attendiez à ça ?

2zer Washington – On savait qu’il y avait une attente car plus de trois ans se sont écoulés depuis la sortie de notre premier album.

Nekfeu – Nous nous sommes rendu compte que les morceaux inédits du S-Crew que l’on faisait sur scène lors de la tournée promo de mon album marchaient vachement bien. Le public les réclamait à chaque fois. Mais on reste surpris par ce succès.

Durant ces trois années, qu’est-ce qui a le plus changé pour vous ?

2zer Washington – Nous avons acquis une vraie maturité musicale et nos influences ne sont plus les mêmes. On a découvert de nouveaux flows, on a changé notre manière d’écrire.

Nekfeu – Ce qui a changé aussi, c’est que nous nous sommes vraiment structurés en tant que label avec Seine Zoo. Au début, c’était juste une couverture pour sortir un disque sans que quelqu’un vienne se mêler de notre direction artistique. Aujourd’hui, c’est un projet d’école de rap, de production­s de self made men. On essaie de tout faire nous-mêmes : de la production des

“il y a de la politique, de la haine qu’on expurge et de l’ego trip. Notre rap est le reflet de nos vies” Nekfeu

tournées aux clips. J’ai signé mon premier contrat à 17 ans. J’ai fait confiance à des gens que j’admirais artistique­ment et qui m’ont montré un visage d’eux qui m’a pas mal déçu. Avec les gars, nous nous sommes jurés de ne pas refaire les mêmes erreurs mais on en a encore fait d’autres, encore pires. (rires) C’est après toutes ces conneries que nous avons monté le label.

Framal – Nous nous sommes éloignés de tous ceux qui voulaient nous détourner de notre vocation. Nous n’avons pas envie que la logique commercial­e puisse nous dicter notre ligne artistique.

Pourquoi avoir choisi d’enregistre­r à Los Angeles ?

2zer Washington – Pour le dépaysemen­t. On voulait se couper du quotidien.

Mekra – C’est l’endroit en dehors de Paname où l’on se sent le mieux.

Nekfeu – Pour un fan de rap, New York et L. A. sont deux villes iconiques. Tout le monde est chaud là-bas, et c’est stimulant. Durant un mois, nous avons travaillé non stop. On a laissé bosser notre compositeu­r, qui s’appelle Hugues, Hugz Hefner. Nous sommes sortis chercher l’inspiratio­n à droite, à gauche. On faisait des clips en parallèle.

On sent une prolongati­on de l’ambiance de Feu dans ce nouvel album…

Nekfeu – C’est sans doute dû au compositeu­r numéro 1 du S-Crew, monsieur Hugz Hefner… C’est un peu le ciment du collectif.

Framal – 90 % des instrus, c’est lui. Dès la fin de la tournée promo de Nekfeu, on sentait que l’aventure collective reprenait ses droits. Tout le S-Crew était présent lors des Victoires de la musique ou pour ton Olympia…

Nekfeu – Ce n’était pas calculé, nous sommes toujours ensemble. Au début, pour nous, c’était une grande souffrance lorsqu’on a commencé à intéresser les médias. On ne comprenait pas pourquoi ils refusaient de nous voir tous ensemble. En réaction, nous sommes devenus des “forceurs”. Si tu nous invites, on débarque à vingt, et si ça ne te va pas, on ne vient pas.

Vous n’avez pas souffert de la personnali­sation autour de Nekfeu ?

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