Les Inrockuptibles

Eric Elmosnino, Séverine Chavrier

Eric Elmosnino reprend son hommage à Manoel Francisco dos Santos dit Garrincha, figure mythique du football brésilien des années 1960 et plus grand ailier droit de tous les temps.

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Les accords lancinants d’une guitare que l’on gratte comme un métronome mesure l’attente… “Ça se voit pas que j’ai pas fini de cirer mes chaussures. Des chaussures de foot, ça se cire sur le dessus et le dessous… Jusqu’entre les crampons”, nous lance l’artiste chopé au début du spectacle par une caméra indiscrète cadrant le désordre de sa loge, son vestiaire pour l’éternité.

Eric Elmosnino est ce monsieur Armand qui joue les stars capricieus­es, tarde à se montrer pour donner ce qu’il pense être une interview à un public qu’il prend pour une bande de journalist­es. Alors, on attend le début du show devant la façade minimale de sa retraite aux murs peints à la brésilienn­e.

Fan de foot qui n’a qu’une idole, demi-sel qui conte ses petites arnaques comme autant de blagues qui traînent sur la Canebière, monsieur Armand a eu son heure de gloire quand il jouait à Marseille au Stade Vélodrome. Aujourd’hui, la mémoire transformé­e en yaourt par des abus de mezcal, il est passé au Fanta orange et interdit que l’on fume. Il débite en has been la quenouille d’une vie qui s’éclaira un jour de sa rencontre avec son héros : l’immense Garrincha.

Une fois n’est pas coutume, l’idée est venue de l’acteur. Eric Elmosnino

a passé la commande de cet hommage à Manoel dos Santos dit Garrincha comme un rêve d’écriture. Serge Valletti l’a exaucé au centuple. Les fées du foot comme celles du théâtre se sont penchées sur le berceau de ce spectacle qui se vit comme une finale de coupe. L’auteur, tout à son affaire, nous surprend. Nous piège à chaque instant. Dribbleur de mots, il s’amuse et louvoie, ne passe jamais en force, a du nerf et du style. Tel que pouvait le faire Garrincha, on croit qu’il va par là, il passe par ici. Il nous fait tourner en bourrique et l’on adore ça.

Le cheveu en bataille, la chemise imprimée ouverte sur un marcel épique, l’acteur jubile de ce rôle taillé sur mesure en abattant son jeu en comédien comblé. Belote, rebelote et dix de der, la performanc­e touche à l’apothéose kitsch quand il nous fait un numéro de cabaret pour taper le duo en crooner désabusé avec un merle siffleur aussi noir et cabot qu’un arbitre.

Pour citer la fine équipe au complet, on accordera un coup de chapeau à Patrick Pineau qui signait là sa première mise en scène en l’an 2000 et la reprend aujourd’hui. “Ce qui ne se fait pas avec grâce ne doit pas se faire”, écrit Valletti. On se réjouit de cette grâce qui réunit à nouveau ces trois-là pour notre plus grand plaisir. Patrick Sourd

Monsieur Armand dit Garrincha de Serge Valletti, mise en scène Patrick Pineau, avec Eric Elmosnino, du 16 au 30 juin aux Nuits de Fourvière, Préau du collège Jean-Moulin, nuitsdefou­rviere.com

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