Les Inrockuptibles

où est le cool ?

par Géraldine Sarratia et Dafne Boggeri photo Nicolas Kuttler pour Les Inrockupti­bles

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Qu’est-ce qui fait de Saint Laurent l’un des plus grands créateurs du XXe siècle ? Sa vision, son sens inné des proportion­s, sa virtuosité, sa façon d’anticiper son époque dans ses vêtements ou de saisir avant tous les autres l’importance du prêt-à-porter ? Certes. Mais c’est aussi la conscience qu’il a eue très tôt de son talent, et de l’importance du travail qu’il était en train d’accomplir. La muséificat­ion de l’oeuvre de Saint Laurent de son vivant et la constituti­on des archives qui en découle est un des aspects les plus fascinants de son travail.

Dès 1963, soit deux ans après la création de YSL, qu’il dirige avec Pierre Bergé, le jeune Saint Laurent (qui a fait ses débuts chez Dior) commence à conserver des robes. En tête, déjà, la volonté d’ouvrir un musée. En 1976, la lettre “M” apposée sur l’étiquette formalise ce désir et sert à sélectionn­er à l’intérieur de chaque collection les pièces destinées à la postérité. Elles sont toutes méticuleus­ement conservées à la Fondation Saint Laurent, avenue Marceau, qui va être totalement remodelée pour réaliser la volonté du créateur : l’ouverture d’un musée, prévue à l’automne 2017. Un autre, actuelleme­nt en constructi­on, ouvrira simultaném­ent à Marrakech, où le couturier passait de longs mois chaque année. Nous avons pu en avant-première jeter un oeil aux archives qui serviront à alimenter les deux lieux.

Pour y accéder, il faut montrer patte blanche, ou plutôt se muer en interne d’hôpital

en revêtant blouse, protègecha­ussures et gants. On pénètre alors dans un grand ensemble fait d’armoires métallique­s immaculées, tout droit sorties de l’imaginaire rétrofutur­iste des années 1960. Classées par collection, les beautés sont donc conservées dans le noir, à températur­e constante. “Le pire, c’est la lumière”, explique la responsabl­e de la conservati­on du fonds Saint Laurent, Sandrine Tinturier, qui reconnaît également craindre les bactéries ou les doigts indélicats.

Pour Yves Saint Laurent de Jalil Lespert, Pierre Bergé a imposé que les modèles originaux soient portés. “Je ne suis pas pour exposer les vêtements, poursuit-elle. Alors les faire porter, vous imaginez ! On a fait le casting des filles par rapport aux robes : on les a choisies avec des mensuratio­ns pile à la taille avec un centimètre de moins. La production voulait que l’on forme des habilleuse­s. On a refusé. Du coup, toute notre équipe est dans le film.”

En poursuivan­t cet incroyable voyage esthétique et temporel, on croise la robe Mondrian créée en 1965 ou le premier smoking réalisé par Yves Saint Laurent l’année suivante, les grandes collection­s (la collection scandale de 1971 inspirée par Paloma Picasso, la collection russe…) ou des folies haute couture qui ont nécessité 720 heures de travail. Un peu plus loin, on découvre la section consacrée aux créations de Saint Laurent pour le théâtre ou le cinéma : les costumes de L’Aigle à deux têtes de Cocteau côtoient les robes de Zizi Jeanmaire ou encore celle ultraglamo­ur en strass de Sylvie Vartan. Quelques mètres plus loin, on découvre Deneuve et Adjani – ou plutôt leurs tenues portées pour Belle de jour et Subway –, à jamais collées-serrées dans une penderie. Vivement l’automne 2017.

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 ??  ?? 1. Le bureau d’Yves Saint Laurent et le tableau de liège sur lequel il épinglait images inspirante­s, croquis, cartes de voeux, photos de ses amis, de son chien, etc. 2. Un ensemble de chaussures à talons au rayon accessoire­s. 3. Une bible avec toutes...
1. Le bureau d’Yves Saint Laurent et le tableau de liège sur lequel il épinglait images inspirante­s, croquis, cartes de voeux, photos de ses amis, de son chien, etc. 2. Un ensemble de chaussures à talons au rayon accessoire­s. 3. Une bible avec toutes...
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5. D’un tour de manivelle, on entre dans les archives où l’on découvre les robes classées par collection.
6. Couchées comme endormies, les robes de la collection Van Gogh. 7. Une variation de capes
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5 5. D’un tour de manivelle, on entre dans les archives où l’on découvre les robes classées par collection. 6. Couchées comme endormies, les robes de la collection Van Gogh. 7. Une variation de capes haute couture 7 6
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